• Pianos

    Frédéric Lodéon

    Oui, le piano est entré dans mon existence dès ma naissance. Un compagnon aussi naturel que l’air que je respirais. Ma mère n’avait pourtant guère le temps de s’y adonner comme dans sa jeunesse. Nous l’écoutions quand les grands étaient à l’école.

    Nous lui demandions comme une faveur suprème nos musiques favorites. C’était La Lettre à Élise. Je me souviens de mon émerveillement lorsque les doigts, après avoir longtemps insisté sur deux touches dont une noire (pourquoi noire ?), sautaient sur toute la largeur du clavier comme des papillons. Et puis le préféré des préférés, la sonate Au clair de lune. Le plus étrange, c’était la lenteur mélancolique du début. J’attendais à la fois avec impatience et regret le moment où les doigts de ma mère allaient s’agiter, tricoter, labourer les touches avec vivacité pour céder peu à peu la place à de nouvelles méditations.

    Mon frère Yves avait un an de plus que moi, nous étions presque des jumeaux, et c’est blottis l’un contre l’autre que nous écoutions des flots plus inquiétants comme L’Appassionnata.

    Ma mère s’isolait de plus en plus pour jouer. D’année en année, c’était presque devenu un sujet interdit. Nous écoutions religieusement les concerts du dimanche à la radio, et dès les premiers microsillons, les enregistrements des plus grands pianistes de l’époque, Dinu Lipati, Walter Gieseking, Arthur Rubinstein, Yves Nat… Elle disait :

    — Autrefois, nous pouvions jouer de manière imparfaite, aujourd’hui, après de telles exécutions, il vaut mieux s’abstenir.

    Nous avons essayé de la convaincre :

    — On aime tellement vous entendre !

    En vain.

    Ma mère avait une amie, Anne Picault, également pianiste amateur, une femme étrange, brune et élancée, un peu excentrique, habillée à la pointe de la mode. Elle jouait sur un « demi-queue » qui remplissait son salon. Quand j’avais 18 ans, elle m’avait invitée dans sa maison de Bréhat, la très belle « Maison du capitaine ». Elle avait convié des amis à dîner. Je me souviens des conversations intelligentes et animées. Elle s’était soudain tue et avait pris un air étrange. Comme une somnambule, elle avait quitté la table et s’était assise devant son piano. Elle avait lancé une volée de notes, monté, redescendu le clavier, démarré une mélodie, avait laissé le silence s’installer à regret. Puis elle s’était levée lentement, avait regagné sa place et repris la conversation comme si de rien n’était, en maîtresse de maison aguerrie.

    Par la suite j’ai négligé la musique classique et le piano, à plusieurs et belles exceptions près, comme les concerts organisés chez mon amie Nelly Roukhadzé, pianiste professionnelle et sœur de Marie-Hélène.

    Je travaillais en écoutant la radio, plutôt des émissions littéraires sur France-Culture.En 1992, le démarrage du « Carrefour de Lodéon » fut un rendez-vous inéluctable, une joie de tous les jours. Je remercie Frédéric Lodéon du fond du coeur. Violoncelliste de talent et chef d’orchestre, il s’était reconverti en passeur d’une musique vivante et sensible.

    C’est ainsi que j’ai entendu les Impromptus de Schubert par Alfred Brendel. Y ai-je retrouvé le piano de mon enfance ? Une voix s’adressait à moi, juste, claire, humaine, inqualifiable mais essentielle. Chaque note comptait. Elle trouvait une place parmi mes émotions et mes sentiments.

    Par la suite, j’ai acheté les CD de Brendel, et j’ai été éblouie par sa sonate en la mineur de Schubert. Comme dans un jardin avec ses fleurs, ses massifs et ses arbres, il avait mis de l’ordre dans le propos pour mieux en exprimer la vie. J’avais subi à cette époque des deuils et je retrouvais le méli-mélo du chagrin, de la perte, la joie des souvenirs, apprivoisé par les doigts du pianiste. Pleurs et sourires s’y entremêlaient avec vérité et précision pour avancer de nouveau.

    Je suis allée l’écouter, seule, à la salle Pleyel. Le miracle s’est reproduit.

    Pour la petite histoire, je me souviens que Pierre Boulez était assis devant moi, à côté de Xénakis et sa femme Françoise et ses lunettes rouges.

    Depuis, le piano m’accompagne, comme un fidèle compagnon. Il me ragaillardit, il me stimule et j’en entends les frémissements, les cris les plus violents.

    C’est à cette époque que j’ai acquis celui sur lequel je joue à Tougin.

    Or il se trouve qu’un petit concert a été organisé dans la salle commune de l’immeuble de mon atelier à Paris. Un piano trônait derrière les chanteurs qui se sont succédé. J’ai appris qu’il avait été déposé là par un copropriétaire.  

    Un beau piano ! Ancien, en bois couleur dorée, demi ou quart de queue. Il fallait que je me renseigne.

    Une autre histoire…

    (à suivre)


  • Pianos

    Nous voilà de retour à Paris pour longtemps, sans projet de déplacement en vue avant le printemps prochain, du moins pour le moment.

    Je suis retournée à l’atelier avec un grand plaisir. Devenue assez habile dans l’emballage des céramiques, j’avais pu transporter sans problème la seconde partie de la Promenade au bord de l’eau dans le TGV puis dans le métro. J’ai commencé à l’émailler.

    Un concert à Philomuses par un jeune pianiste, Ruben Micieli, qui revenait tout juste de Varsovie où il était parvenu jusqu’aux demi-finales du concours Chopin. Une grande valse brillante, la sonate n° 2, mazurka, … superbe ! Comment peut-on faire des choses pareilles ?

    Et justement, en matière de piano, Chantal Stigliani, notre hôtesse à Philomuses en connait un rayon, elle-même concertiste, elle a joué dans le monde entier. Elle vient d’enregistrer la première partie du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach.

    Nous avons discuté du piano de La Motte-Picquet. Une histoire bien étrange qui a commencé dans mon enfance.

    Ma mère jouait du piano. Il y en avait deux dans notre maison à Pontoise. Elle jouait surtout l’après-midi lorsque nous étions à l’école. Chopin, Bach, Beethoven tout particulièrement, avaient bercé nos oreilles au réveil de la sieste jusqu’à notre scolarité,

    Elle jouait sur le piano du salon, un piano qui lui venait de sa mère, au son puissant et brillant.

    Nous disposions librement de celui de l’étage, dans « le petit salon ». Mes frères et sœurs ainés avaient pris des cours. Mademoiselle Bayle, Jeanne Bayle, la cinquantaine dépassée, visage sévère, chiffonné, chapeau vissé sur la tête, venait chaque semaine à la maison. Une époque où l’on tapait sur les doigts des enfants et où on les bassinait avec le solfège. Elle les avait dégoûtés de l’instrument. Lorsqu’à mon tour, j’aurais pu démarrer, ma mère a jugé inutile et peut-être néfaste de poursuivre l’expérience.

    J’ai donc tapoté toute mon enfance sur « le piano du haut », seule avec La Méthode rose que j’avais demandée pour ma fête. Dépourvue de la mémoire nécessaire, ce ne fut pas concluant, je me suis contentée d’entendre la musique des autres. C’était l’époque des Jeunesses Musicales de France et de ses concerts, mes parents achetaient des disques. Vers l’âge de quinze-seize ans, je suis même allée avec mon amie Marie-Hélène Roukhadzé assister au concours Jacques Thibaud – Marguerite Long au Théâtre des Champs-Elysées.

    Les religieuses de l’école Notre-Dame de la Compassion avaient recueilli une concertiste transfuge d’Europe de l’est. Elle travaillait le Concerto de l’Empereur pendant les classes. J’aimais l’entendre répéter inlassablement une montée de notes, peaufiner un passage, reprendre le tout, fenêtres grandes ouvertes sur le parfum des marronniers en fleurs. Une musique qui ne nuisait pas aux propos de nos professeurs, mais les accompagnait de sa solidité, de son humanité. Parfois les oiseaux se mettaient de la partie.

    J’ai toujours eu un étrange compagnonnage avec les pianos. Je me souviens d’à peu près tous ceux que j’ai croisés, même de ceux que je n’ai pas entendus, leur forme, leur bois, leur position dans la pièce. Un peu comme des frères ou des amis, des personnes vivantes, susceptibles  d’offrir des merveilles.

    Puis le temps a passé. Vers la cinquantaine, les enfants étant étudiants, nous avons acheté un piano. Comment et pourquoi ai-je eu cette audace ? Je ne m’en souviens plus. Ce fut une joie qui ne m’a jamais quittée.

    Avec l’aide d’une méthode pour adulte, j’ai pu assez vite avoir accès à des petites pièces comme des petits préludes de Bach ou des rondos de Clémenti, par la suite la petite sonate de Mozart ou des valses de Chopin. Bien sûr, je ne sais toujours pas vraiment jouer, mais j’ai appris quelques gammes, j’ai soigné les rythmes, les temps et les silences avec une certaine rigueur. Mon piano coréen me ravissait, au son net et doux. Un plaisir secret, car je n’ai jamais pu en dehors de rares exceptions jouer en public. Seuls ma famille et mes voisins m’entendent.

    Il a déménagé de Paris à Tougin où il s’est bien trouvé. Je l’ai un temps remplacé à Paris par un clavinova, un clavier électrique, mais la sensualité de la touche me manquait. Aujourd’hui, je ne joue qu’à Tougin. J’aime entendre les oiseaux me répondre, les voisins s’inquiètent quand ils ne m’entendent plus.

    Il y a deux ans un curieux phénomène climatique a provoqué des remontées de nappes phréatiques dans les murs de la maison. Mon piano n’a pas aimé. Il s’est enroué. Quelle tristesse ! C’était un peu comme si je perdais la voix d’un ami. Je l’ai presque retrouvé cette année et je recommence à savourer le Bach-Marcello que Nick m’a appris à apprivoiser.

    Or il se trouve qu’un piano, et c’est où je voulais en venir, vient d’être installé dans la salle commune de l’immeuble de mon atelier, avenue de La Motte-Picquet. Un Pleyel de 1918, à la disposition de tous les habitants.

    (à suivre)


  • Urgences à Genève

    Arrivée de Grenoble le lundi à Tougin, nous avions longé le lac du Bourget en train, pris le car depuis Bellegarde. Je ne me souviens plus très bien de ce que nous avons fait durant la journée du mardi, mais je me souviens d’une agréable soirée au coin du feu. Je me souviens aussi d’avoir retrouvé Tougin avec plaisir, son calme, l’amitié de ses habitants. Tout se passait bien, je me réjouissais de plusieurs rencontres prévues. J’avais retrouvé mon piano et essayé la charmante fantaisie n° 3 de Mozart.

    Nous étions chez Hilary qui nous avait préparé une soupe à sa façon. Jill et Tony, nos voisins communs sont arrivés. Tony venait de faire sauter un bouchon de champagne, lorsque j’ai ressenti un malaise. Le temps de vider une flûte, comme je l’écoutais parler d’une prochaine conférence au Mozambique, je me suis aperçue que je ne voyais plus le côté droit de son visage, un vide à la place de son œil. Sur le coup, je me suis dit que c’était une sorte de migraine ophtalmique, mais très vite je me suis mise à bafouiller. En quelques minutes, je suis devenue incapable de trouver mes mots.

    Confuse, j’ai expliqué à mes amis ce qui m’arrivait et sans attendre, Hilary a pris la situation en main. Elle appelé le 15. Mise en communication avec un médecin, il m’a mitraillée de questions. Très vite, les pompiers sont arrivés. Ils m’ont transportée en urgence à l’hôpital cantonal de Genève. Nous n’avons pas d’hôpital dans le Pays de Gex, celui d’Annecy étant trop loin, seul l’hôpital cantonal possède un service d’urgence pour les AVC. Un arrangement européen permet aux frontaliers un remboursement de la Sécurité sociale.

    Gilles m’a retrouvée au milieu d’une batterie d’examens.

    C’est ainsi que j’ai passé quelques heures sur le plateau des AVC, un service étrange, avec une infirmière pour moi toute seule qui me demandait toutes les cinq minutes si je voyais ses mains bouger. Cardiologues, neurologues, analyses en urgence, échographie de toutes sortes. Étais-je angoissée ? Pas vraiment. Je me souviens que je me suis amusée parce que le médecin me désignait sa montre du doigt et que j’avais un mal fou à trouver son nom. J’ai pensé que pour un Suisse ce devait être grave. Il me fallait répéter une histoire de deux gros crapauds bien gras.

    Finalement, vers une heure du matin, on m’a transférée dans un service aux espaces modulables par des cloisons roulantes. Les examens étaient plutôt rassurants, mais il fallait rester vingt-quatre heures pour faire un scanner et un IRM.

    Dormir sous monitoring d’électrocardiogramme, ficelée de partout, avec un tuyau d’oxygène dans le nez n’a pas été aisé, surtout qu’on me réveillait toutes les heures pour savoir si j’étais encore en vie. Le matin, j’ai eu la surprise de voir la brume s’effacer sous le soleil et d’apercevoir par la vaste fenêtre un arbre aux feuilles dorées, un jardin à mes pieds, les montagnes au loin.

    Vous dire la gentillesse, l’efficacité, la bienveillance qui m’ont entourée à chaque moment est au-delà des mots. Le personnel, les infirmières, les médecins, pour la plupart non suisses et pour beaucoup frontaliers avaient les mots, les gestes qui aident et rassurent.

    Autour de moi, une personne avait perdu l’usage d’un pied, l’autre était en observation redoublée. C’était comme des tranches de vie, des histoires différentes, de tous les milieux sociaux, ouvriers ou banquiers, de tous les âges, et pour certains, c’était comme si le ciel leur tombait sur la tête.

    Je n’entre pas dans les détails, mais il y aurait de quoi écrire des pages.

    Finalement, après deux nuits, le corps médical (le professeur, l’interne, ma cardiologue de Paris au téléphone, les étudiants autour du lit) ont jugé qu’il s’agissait d’un AIT, accident ischémique transitoire et que je pouvais rentrer chez moi. Mon cœur battait la chamade en veux-tu en voilà, mais ce n’était pas grave, il était solide, un traitement allait le calmer. Bien sûr, je n’ai pas protesté, malgré le confort des lieux et la nourriture très correcte de cette auberge helvétique.

    Par la suite, nous avons dû annuler les rencontres prévues, il fallait que je me repose. Nous sommes restés deux jours supplémentaires.

    Ce fut malgré tout un bon séjour, tant d’amitiés m’ont entourée. Et puis, la montagne était si belle, rousse et dorée sous le soleil 


  • Grenoble. Alina Szapocznikow, Tougin.

    Ce matin, réveil à Tougin. Comme c’est étrange de se retrouver dans ce monde d’oiseaux ! La volée de moineaux est partie. Où ? Mystère ! Elle a laissé la place aux merles, aux mésanges et bien d’autres que je ne connais pas, affairés. Une mésange enfile sa tête dans le nichoir, histoire de voir. Les merles, gras et dodus se partagent le jardin, tout cela pépie tranquillement, dans la vigne vierge de toutes les couleurs, jaune, rouge, rose, ocre. Ils volettent du prunus défeuillé par la tempête de la semaine dernière, à l’arbre de Judée déplumé, aux haies encore vertes. Comme ils sont différents des moineaux chamailleurs ! On dirait qu’ils se saluent au passage.

    Hier nous avons passé une soirée paisible devant un feu de cheminée à jouer au scrabble. Je me suis endormie rapidement, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Le soleil bas sur l’horizon a éclairé la cuisine et le petit déjeuner. Il illumine la rousseur des feuilles sur le sol du jardin.

    Maintenant Gilles répare les dégâts causés par les souris sur les fils électriques du frigidaire. Le piano m’attend, j’ai essayé hier la fantaisy n° 3 de Mozart et je me réjouis de m’y atteler. Je vais emballer l’autre moitié de la céramique « Au bord de l’eau » pour la ramener à Paris et l’émailler. Nous allons couper les holtas et les grandes marguerites jaunes, ce soir nous sommes invités chez Hilary qui nous promet sa fameuse soupe. Bien d’autres projets encore. Bref, nous sommes loin de l’exposition d’Alina Szapocznikow, il y a trois jours.

    Les trajets entre Tougin et Grenoble deviennent difficiles pour Gilles, le contournement de Genève, une autoroute quasi urbaine desservant Annecy et Chambéry, les approches de la métropole de Grenoble. Nous avons inauguré de commencer par Grenoble en train et de continuer sur Tougin où est garée la voiture. Ca a très bien marché. Noé nous a invités à goûter dans son studio d’étudiant, Ève avait convié notre neveu Patrick et son épouse Marie à dîner dimanche soir et nous avons évoqué les vacances de sa famille autrefois à Nernier, les repas de sa grand-mère, ma mère. Ce fut une soirée chaleureuse et confiante.  

    J’avais lu des articles sur l’exposition d’Alina Szapocznikow, une femme sculpteur dont je n’avais jamais entendu parler, très tentants. Nous sommes allés avec Ève, Emmanuel et Marius, dans le musée de la ville, un bâtiment exceptionnel de clarté, de déambulation, à l’image des plus grands musées du monde.

    D’emblée, la puissance et l’expression y trouvaient leur place. Les grands formats s’y dilataient à l’aise. Des excroissances de corps, proches de l’abstraction, en béton, en bronze. Des dessins et des monotypes en noir et blanc. C’était d’autant plus impressionnant que l’auteur dont on voyait des photos très agrandies, sur les murs et qu’on entendait interviewer était une jeune femme petite et fine, au corps solide certes, mais aux cheveux bouclés et au sourire de petite fille.

    De salle en salle, le propos déjà tragique devenait terrible. Elle avait été internée à 16 ans à Auschwitz, rescapée elle avait rejoint la Pologne, sa patrie, et avait fini ses jours à Paris.

    Elle avait alors beaucoup pratiqué le moulage sur son propre corps, des bouches, des seins, ses jambes, pour en faire des œuvres fortes combinant les matériaux de pierre et le polyester.

    C’est alors qu’elle avait eu un cancer du sein. Elle avait dessiné sa douleur après qu’on eut excisé la moitié de son corps envahi par des tumeurs. Elle avait dessiné son corps mutilé, la cicatrice qui s’étendait de l’épaule jusqu’au sexe. Elle les avait transcrits sous la forme de grands morceaux de polyester envahis de déchets. Horrible !

    Elle avait alors moulé le corps de son fils, pour exprimer que malgré sa mort, la vie devait continuer.

    J’ai du mal à digérer ma visite. Éros et Thanatos. Et pourtant, je ne la regrette pas. Alina est maintenant un peu comme une sœur, nous en avons tous eu de ces proches dont il faut dépasser la douleur au nom de la vie, comme une nécessité pour dépasser ses propres souffrances.

    Le plus terrible est la tendresse qu’on ne pouvait s’empêcher de ressentir à son égard.


  • Gaza, Donald Trump et le gouvernement français (suite)

    Les jours se suivent sans qu’il soit possible de prévoir ce qu’il adviendra de la paix à Gaza. Les otages vivants israéliens sont rentrés chez eux. Les dépouilles reviennent au compte-goutte, sans qu’on puisse savoir si c’est un chantage du Hamas, ou une réelle incapacité à les retrouver dans le champ de ruine de Gaza nord, réinvesti par 500 000 réfugiés remontés du sud. 2000 prisonniers palestiniens sont rentrés chez eux. Les secours alimentaires internationaux se mettent plus ou moins en place.

    On dit que la paix tient, mais des bombardements continuent en dépit du cessez-le-feu.

    Donald Trump claironne une victoire, « sa victoire », clamant toujours qu’il mérite le prix Nobel de la paix.

    Relisant ma dernière chronique, je me reproche ma naïveté. Il a suffi d’une heure et demie de conversation téléphonique avec Poutine, pour que le président Trump rétrograde sur l’envoi de matériel militaire à l’Ukraine, pour qu’il demande à Zélenski et à son gouvernement d’accepter l’annexion du Dombas.

    L’armement américain avec ses Tomawaks est le seul capable de protéger les frontières, capable avec ses lance-missiles de longue portée d’atteindre les usines à drones de la Russie, des drones par ailleurs éventuellement prêts à être lancés sur l’Europe. Il en rôde de plus en plus souvent autour de nos infrastructures. Totalement imprévisible et c’est sa force, Donald Trump peut encore changer d’avis, c’est ce que semble espérer le président ukrainien Zélenski. Une rencontre Trump et Poutine est prévue vendredi prochain.

    Comme il est étrange de voir cet homme, à la carrure alourdie de vieux cow-boy, costume sombre et cravate de couleur pétante, pencher la tête, baisser les paupières, lâcher des énormités et terminer par une blague à l’image des westerns des années 60.

    Je n’aime pas parler politique. C’est un langage que je ne comprends pas.

    Dans nos démocraties, l’électoralisme a remplacé le service du peuple, un peu à l’image de la finance qui prend le dessus sur l’économie. Une sorte d’ésotérisme auquel on nous demande de participer, mais qui nous parait déconnecté de nos vies quotidiennes, un boulevard pour des protestations mal placées ! C’est la démocratie qui a mis au pouvoir l’extrême droite israélienne et Donald Trump.

    En France, Sébastien Lecornu a été reconduit comme Premier ministre malgré sa démission. Il ne parvient toujours pas à trouver une majorité et à voter un budget qui traîne depuis on ne sait même plus quand. La note de fiabilité du remboursement de la dette a encore baissé, entraînant le ralentissement économique du pays avec ses conséquences sur les entreprises et les rentrées de l’État.

    Sébastien Lecornu a été contraint de revenir sur la réforme des retraites, « ce qui revient à descendre les escaliers et à grimper par la façade », comme le disait Roselyne Bachelot. Personne ne veut céder par peur de perdre son électorat. L’État en déroute risquerait de n’être plus qu’un jouet désarticulé, bon à prendre par n’importe qui.

    Gilles me dit que je suis pessimiste. Il est vrai qu’autour de nous, au quotidien, nous croisons beaucoup de bonnes volontés, d’esprit d’invention et d’entreprise. La génération montante a perdu en idéologie, en certitudes, mais a gagné en lucidité, en pragmatisme. Elle semble en même temps moins matérialiste et davantage impliquée dans la sauvegarde de la planète. Les jeunes que nous connaissons parlent peu politique, mais s’impliquent dans des projets et des réalisations riches d’avenir. L’argent, pour nécessaire, ne semble plus être leur premier objectif.

    Encore un propos idéaliste ?


  • Semaine du 14 au 21 octobre 2025

    Les otages israéliens ont été libérés la semaine dernière. Grâce à l’action de Donald Trump, président des États-Unis.

    Voilà plus de six ans que je déblatère contre cet homme dont les actions contre la démocratie se sont multipliées, empilant mensonges, licenciements arbitraires, mépris des femmes, atteintes au droit à l’éducation, à la santé. Imprévisible, pulvérisant toute logique, manipulateur médiatique. Grossier, admiratif et soumis à Poutine. Le mépris insondable qu’il porte sur ses adversaires, son rejet sans frein de l’émigration, l’arrêt total et sans nuances de l’aide aux pays défavorisés semblaient lourdes de conséquences dramatiques.

    On voyait bien qu’en homme d’affaires, il n’aimait pas la guerre. Mais lorsqu’il a évoqué l’avenir de la bande de Gaza détruite à 80 %, pour en faire une Riviera, on s’est dit qu’il s’en accommodait. Il commençait à envoyer l’armée sur son propre pays et je me disais qu’en ces domaines, il suffit de s’y mettre. Son ambition d’obtenir le prix Nobel me semblait absurde et risible.

    Qu’est-ce qui a bien pu le pousser à exiger et obtenir en quelques semaines la libération des otages dont le refus par le Hamas avait causé la mort d’une centaine de milliers de civils par les bombardements et la faim, la fuite de cinq cents mille autres ? La situation était-elle mûre ? Assurément ! Mais j’ose, chers lecteurs, vous évoquer un épisode, passé assez inaperçu à l’époque.

    Lors d’une rencontre à la télévision. À la face du monde, Trump avait humilié Zelensky, lequel venait chercher du secours contre l’invasion de l’Ukraine. L’Américain de sa haute taille, de son image de cow-boy avait pulvérisé le petit homme en chandail militaire dont le visage épuisé trahissait l’inquiétude pour son peuple.

    Un silence s’en est suivi, qui a soudain pris du poids. Zélensky n’a pas bougé. Il est resté lui-même. C’est alors que la force a changé de camp. Le courage, la dignité et l’humanité de son côté, il représentait le refus de l’oppression, le droit à la liberté. Tout petit, nu, presque seul, il a tenu bon.

    Le temps faisant son ouvrage, une graine a pu germer chez Trump, assez solide pour lancer le bulldozer américain vers la paix.

    Une vision idéalisée des événements actuels ?

    Nul ne connaît l’avenir. Les difficultés du Proche-Orient n’en sont pas pour autant terminées, mais c’est déjà énorme.


  • Déjeuner et théâtre entre amis

    Automne à Paris. Quelques jours de soleil. Je regrette de ne pas avoir le temps d’un café au soleil comme autrefois.

    Nouvelle démission d’un nouveau premier ministre (27 jours).

    Cette semaine, nous nous sommes réunis avec Marie dans le restaurant situé au pied de chez les Christin à deux pas de la Seine. Pierre connait le patron-cuisinier depuis toujours. Les choix se portèrent sur des moules marinières.

    Nous étions au fond du restaurant, entourés d’une sorte de musée, une voiture à pédale pour enfant sur le palier de l’étage, un grand compas de bâtisseur accroché au mur… De grosses poutres de chêne nous séparaient du bar.

    — Ce sont les mêmes qui passent chez nous, deux étages plus haut, dit Pierre.

    Nous étions comme à des kilomètres de la rue, envahie aujourd’hui de restaurants touristiques. Nos conversations tournèrent autour des forts des Halles que Pierre et Nicolle avaient bien connus. Ils évoquèrent celui, énorme, jovial et alcoolique, qui dormait dans une remise sans fenêtre depuis qu’il avait surpris un homme dans son lit conjugal. Ils racontèrent comment le quartier fut vidé de ses occupants, la plupart très pauvres, pour construire le nouveau quartier. Comment des escaliers furent détruits quand ils s’absentaient. Ils évoquèrent la résistance d’une vieille femme aidée par un entourage efficace.

    Nous avons continué chez eux autour d’un petit verre de kirch provenant du Chablais.

    Nous parlions de nos problèmes de mémoire. Marie dit :

    — Maintenant, je fais des listes.

    J’ai dit :

    — Il parait que ça empêche d’exercer sa mémoire !

    Pierre a continué en riant :

    — Et on peut oublier la liste !

    Il s’y connait. Depuis plus de soixante ans, il va chaque jour rue Montorgueil, sac au bout du bras, reconnaissable de loin, désormais barbe et cheveux blancs.

    Cette semaine, nous sommes allés au Théâtre de poche à Montparnasse voir Petites misères de la vie conjugale, de Balzac. Émilie qui avait participé à la mise en scène nous avait écrit : féroce hilarant et servi par de grands acteurs.

    Françoise venant de Genève, nous avons réservé des places. Puis j’ai téléphoné à Claudine. Nous avions plusieurs fois cherché à la rencontrer sans succès. Genevoise jusqu’à son mariage, elle habite à Montparnasse. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à l’entrée.

    — Tu as lu la présentation de la pièce, sur Internet ? me dit-elle.

    Devant mon ignorance, elle continua :

    — En fait, j’ai un peu hésité à venir. Balzac, c’est un peu vieux. À la sauce MeToo, il y a de quoi s’inquiéter !

    Assez perplexes, nous sommes descendus dans la petite salle du bas retrouver un public composé en majorité de personnes de notre âge, mais aussi de pas mal de jeunes d’une vingtaine d’années.

    Décor intimiste, une chambre à coucher, lumières chaudes. Le spectacle commença avec quelques lenteurs, accumulant les lieux communs du 19e siècle, misogyne comme on s’y attendait.

    Mais peu à peu, s’insinua dans les propos balzaciens un ton qui nous fit tendre l’oreille. Le duo échappait à toute interprétation hâtive. Les travers du mari succédaient à ceux de la femme avec une liberté, un humour et un brio étonnants. Oui féroce ! Mais tendre à la fois. Avec une indulgence à laquelle on n’est pas habitué. Le jeu des deux acteurs tenait un peu des séries télévisées. L’actrice, également danseuse de profession, avec une diction impeccable exprimait mille sentiments successifs, courrait, sautait, dansait, s’immobilisait avec grâce. L’homme tenait sa place, à la fois odieux et touchant. Un spectacle vivant, subtil, inclassable, qui fut ovationné et nous laissa sur le boulevard, ravis de notre soirée. Une soirée que nous avons terminée au coin de la rue de la Gaieté, dans une brasserie, « La liberté ».

    Nous avons discuté avec plaisir de tout et de rien, du passé, de Genève. Claudine est une mine d’histoires concernant le monde artistique parisien. Mais le bruit augmentait et devenait de plus en plus difficile à couvrir. En fait, les trois grands écrans sur les murs retransmettaient un match de ligue : Barça contre PSG. Les buts étaient salués par des hurlements. … À croire que nous attirons les matchs de foot !

    Claudine s’est excusée :

    — Je connais bien cette brasserie. D’habitude ce n’est pas si bruyant !

    Nous l’avons rassurée :

    — Oui, c’est bruyant, mais très sympathique !

    À la sortie, en enfilant nos manteaux, nous avons blagué avec deux jeunes hilares dont nous bouchions la vue d’un quatrième écran.


  • Notre voisin, monsieur Vallois

    La vie parisienne a repris après la parenthèse de l’été. Comme si de rien n’était, peut-être un peu trop. Un désir d’aventures me traverse la tête et le corps, malgré ou à cause de l’agitation qui m’entoure. Comme c’est étrange, à mon âge ! Je marche dans les rues, je travaille à l’atelier en attente de je ne sais quoi.

    Je pense à Tinka repartie dans la vie après le décès brutal de son mari. Elle a terminé son pèlerinage, Bilbao, Compostelle (700 km). Elle m’a envoyé un message :… tout ça m’as donné la force pour continuer maintenant, avec la vie et surtout l’art.

    Luce a attendu septembre pour partir. Sur les traces de Tinka ? C’est possible ! J’ai choisi la voie d’Arles,… je dors ce soir à Lunas,… 200 km depuis le début.

    Elles m’impressionnent. Leur recherches, leurs espoirs sont un peu les miens, mais elles sont jeunes, l’avenir s’ouvre devant elles.

    Nous avons invité notre voisin du dessous, monsieur Vallois, 70 ans environ, à venir prendre le café. Il n’y a pas plus casanier que lui. Son épouse vit dans le midi à Forcalquier, elle ne supporte pas Paris. Il la rejoint de temps en temps pour débroussailler leur jardin. Un ménage volontairement sans enfant. Il s’est passionné pour l’astronomie après une carrière de direction dans les grands travaux des Ponts et Chaussées et passe beaucoup de temps sur Internet.

    Il nous a dit :

    — Je n’ai plus envie de voyager. Je me souviens de mon enthousiasme en découvrant New York à 30 ans, j’ai travaillé en Afrique, mais maintenant, cela ne me dit plus rien.

    Je lui ai dit :

    — Vous pourriez faire un saut à Londres. Ça vous changerait !

    — Je pourrais consulter des livres qu’on ne trouve pas  ailleurs, mais je n’ai plus envie !

    Monsieur Vallois reste à Paris en août, à peu près seul dans l’immeuble et s’en trouve bien. Il a la gentillesse d’arroser nos plantes. Il le fait avec une discrétion rare. Quand Gilles a proposé de l’appeler par son prénom, il a répondu, gêné :

    — Je regrette, mais je ne pourrai pas, je n’en ai pas l’habitude !

    Nous y allons des « monsieur et madame » qui ne cèdent pas aux décennies. Mais nos rencontres sont, lentement mais surement, de plus en plus confiantes.

    Lundi dernier, il nous est apparu assez inquiet. Il a fini par nous confier qu’il devait subir une opération du genou en octobre. En fait, on lui posait un substitut de cartilage, une opération relativement bégnine.

    Nous avons beaucoup parlé des nouvelles technologies, de leurs conséquences sur le monde actuel. Passionné par l’intelligence artificielle, il lui pose des tas de questions pour vérifier sa fiabilité.

    — Par exemple, je lui ai demandé quelle était mon espérance de vie.

    — Alors ? ai-je osé, estomaquée.

    — Huit ans !

    J’ai sauté au plafond :

    — Ce n’est pas beaucoup, nous serions déjà morts !

    À notre connaissance, à part cette histoire de genou, il se porte très bien.

    Il a dit :

    — Ma belle-mère est décédé cet hiver à l’âge de cent-cinq ans. J’avais demandé son espérance de vie à l’IA. Elle ne s’est trompée que de quelques semaines.

    Nous avons continué sur ce ton, en grignotant des macarons de chez Stohrer. Il faut reconnaître qu’on ne s’ennuie pas à l’écouter, nous apprécions ses points de vue originaux, lucides et cependant bienveillants sur notre immeuble et ses occupants. Il vérifie les comptes de la copropriété avec un calme et une efficacité précieuse.

    C’est presque avec tendresse, qu’en le raccompagnant sur le palier, je lui ai dit :

    — Au revoir, monsieur Vallois. À bientôt.


  • L’auberge du roi Gradlon

    Quelle différence avec Tougin !

    Nous retrouvons le rythme parisien. C’est à peine si je me souviens du début de la semaine. Le métro de plus en plus bondé remplit plus d’une heure de mes journées. Je cherche des itinéraires, des parcours avec escalators pour ménager ma tendinite. Les travaux de réfection des rues rendent les trottoirs périlleux, les itinéraires de bus aléatoires.

    Mais je ne regrette pas. Il est un temps pour tout. Le soleil disparaissait de plus en plus tôt derrière le Jura, le lac restait chaud, mais les sorties des bains devenaient difficiles. Et surtout, mon four me manquait pour émailler les pièces de céramiques modelées durant l’été.

    Nous avons quitté avec regret nos amis de là-bas (l’opération de Jacqueline s’est bien passée, ouf !), nous retrouvons avec plaisir ceux de Paris. C’est comme ça ! dit Nicolle, qui vit la même chose entre Paris et Évian.

    Dimanche, nous sommes allés voir le spectacle de Diane-Iris, une jeune amie de Démodocos. Elle l’a écrit, mis en scène et joué avec deux partenaires masculins au théâtre de l’ENS. Formation de danseuse professionnelle, études à Normale Sup, spécialiste des rythmiques gestuelles de la Grèce antique, cette surdouée, belle comme le jour, souple comme une liane s’est penchée sur l’importance des réactions du corps. Les difficultés de communication, les obstacles aux élans qu’elles impliquent. Une recherche de l’harmonie du non dit qui nous parlait à tous (salle comble). Dans un flash, elle est apparue avec son chat dans les bras, un énorme chat dont la fourrure fauve et blanc débordait de partout.

    Mais l’événement de la semaine fut la fête Farge. Toute une histoire !

    Depuis de très nombreuses années, nous nous réunissions à Pontoise aux alentours de La Toussaint dans un restaurant près de la maison de notre enfance, ou à Livilliers chez Marc et Catherine. Nous, c’est-à-dire Jean, avant son décès, Yves, Marc, Hervé et moi, « les Survivants », comme nous nous qualifions, et nos conjoints disponibles. Réunions simples et familières, il est dans notre nature de ne pas nous casser la tête en tralalas ou en obligations diverses. Un vieux reste de famille nombreuse ? Christine, la fille de Jean, et Dominique, celle de Philippe, qui travaillaient à proximité nous rejoignaient au café, durant la pause de midi.

    Cette année, la santé d’Arlette ne permettait pas à Yves de s’éloigner. Ils habitent dans le quartier des Gobelins à Paris. C’est Hervé qui a eu l’idée d’une rencontre dans un restaurant au pied de chez lui. Il pouvait monter à tout moment en cas de nécessité. Les rendez-vous ont été pris. Mais cette semaine-là, la canicule sévissant sur la France, il fallut la repousser.

    C’est Marc qui proposa alors de demander à la génération suivante habitant dans la région parisienne de se joindre à nous. Les messages à peine partis, le succès fut fulgurant. Et nous nous sommes retrouvés samedi dernier plus d’une trentaine à l’auberge du roi Gradlon sur le boulevard Arago.

    Yves s’était occupé de réserver le restaurant, d’établir un devis, d’envoyer les listes de participants.

    Ce fut une réussite ! Les trois générations ont pu se parler en toute liberté autour d’un buffet. On se levait, changeait de place, sur la terrasse feuillue ou au sous-sol. Chacun a pu raconter ce qu’il faisait, écouter l’autre. Oui écouter ! Les vieilles pierres de la cave ajustant les sons avec bonheur, un privilège rare dans les restaurants de Paris. Ce furent des mouvements agréables, des attentions délicates pour les conjoints un peu étonnés. On partageait des souvenirs, inventait l’avenir, savourait le présent. Des parcours d’une grande variété. Un moment rare et précieux.

    À la fin, nous nous sommes tous réunis en bas. Yves a pris la parole en remerciant chacun d’être venus, Marc a blagué comme d’habitude, Hervé a rappelé la continuité de la famille, notre neveu Denis n’ayant que deux ans de moins que lui.

    Je devais dire quelque chose à mon tour. Comme rien ne venait, peut-être aspirée par la nécessité d’introduire l’instant dans le silence des futurs souvenirs, je suis restée coite. Véronique a dit : « Il faut pourtant bien conclure ! » ou quelque chose comme ça. Alors j’ai dit, en trébuchant un peu :

    – C’est super qu’on soit tous là ! Super de super !

    Et j’ai levé les bras en l’air, en balayant l’assistance d’un sourire ému. Et tout le monde a répondu d’un seul geste.

    Notre père était avocat, son fils Marc aussi, son petit-fils Matthieu également, son arrière-petit-fils Leo vient de passer son diplôme d’avocat, et son autre arrière-petit-fils Hadrien vient d’entrer à la fac de droit. J’aurais pu mieux faire, mais ce n’était pas si mal !


  • Retour Paris.

    Derniers bains.

    Dernières rencontres.

    Françoise et ses collections glanées autour du monde.

    Henriette et Lionel. Déjeuner au tennis club. Le piano de Lionel, Bach, un poignant impromptu de Schubert.

    Olivier, Stéphane et Hilary pour un café chez nous. Une dernière fois dehors au soleil.

    Café chez Marcel et Jacqueline, Jacqueline en attente d’opération à l’hôpital d’Annecy.

    Ménage et rangements. Une année à toiles d’araignée.

    Gilles commence à tailler le jardin pour l’hiver. Contrôle technique de la voiture.

    Emballage des céramiques sorties du four et transportées à Tougin par Enricke.

    Retour des livres à la bibliothèque de la ville. Christophe.

    Agnès et La Fontaine.

    Dimanche, fermeture de la maison. Volumineux carton contenant la moitié des céramiques de l’été, plus une valise. Notre voisine Françoise nous conduit en voiture au car.

    Merci à tous.

    Dans le train, Pierre et Nicole, eux aussi de retour à Paris. TGV asthmatique.

    Gare de Lyon, taxi, on shunte la file d’attente. Le centre de Paris est encombré par le marathon.

    Le lendemain, transport en taxi du carton vers l’atelier et mise en route d’une cuisson.

    Et j’en passe…

    Résultat : une trachéite carabinée.