Mercredi, Madame Marguerite, au théâtre Essaïon avec Gilles et Marina.

Joué par Émilie, un seul-en-scène dont nous avions entendu la lecture il y a quelques mois.

Une institutrice fait la classe. Un résumé de ce que peut être la pédagogie dans les pays totalitaires. Un mélange d’autoritarisme débridé, de grossièreté, de sexualité malsaine, mais aussi d’amour extravagant et de bonne volonté. Propos qui dérivent peu à peu vers la folie et la mort.

Cette pièce jouée dans le monde entier a fait un tabac en France avec Annie Girardot, juste avant qu’elle ne sombre dans la maladie d’Alzheimer.

Un rôle écrasant ! Émilie y fut remarquable, occupant l’espace, passant de la colère à l’abattement, du rire aux larmes, de l’immobilité à la danse, avec un brio exceptionnel. Elle fut acclamée. Allez-y, si vous pouvez, vous ne le regretterez pas !

Il est difficile de voir un ami sur scène. Pour ma part, j’ai toujours un peu peur pour eux. Ce jour-là, un enfant au premier rang bougeait dans tous les sens, il tortillait ses cheveux, coudes levés et je me demandai comment Émilie pouvait se concentrer.

À la sortie, quand nous nous sommes retrouvés au bistro voisin, elle avoua qu’elle avait dû ramer, ce dont on ne s’était pas aperçu.

— Il n’y a pas idée d’amener un enfant voir ce genre de spectacle !

Nous étions une dizaine autour d’elle et ce fut un merveilleux moment d’amitié et de souvenirs de théâtre. Merci Émilie !

Nous avons évoqué l’auteur, Roberto Athayde, un Brésilien que j’avais rencontré peu de jours auparavant au concert anniversaire d’Anatole. Il m’avait dit :

— J’ai écrit cette pièce pendant la dictature de Peron alors que j’étais adolescent. Depuis j’en ai écrit plus de quarante et aucune n’a eu le même succès. Je suis invité partout et je fais le tour du monde, mais j’en viens à la détester.

Nous sommes rentrés en métro avec Anny-Claude encore handicapée par sa récente opération de la hanche. Elle a comparé sa convalescence avec celle de Gilles, il y a quinze ans.

— On m’avait dit que ce n’était rien… Moi, j’ai mal !