
Il faut que je vous parle de Trump. Ce n’est pas que cela me fasse plaisir, mais il est impossible d’éviter un sujet qui ronge la planète. Les deuils qui m’ont frappés, qui nous frappent tous, ne peuvent éclipser les menaces qui planent sur notre avenir, menaces les plus alarmantes depuis la deuxième guerre mondiale.
Je me souviens, enfant, du visage préoccupé de nos parents écoutant la radio à la fin des années 40, jusqu’au début des années 50. Pendant la guerre froide, les bombes, la faim, le froid pouvaient revenir à tout moment. Il n’a pas été si facile de sortir des tickets d’alimentation, de vivre dans les ruines de la ville, de remplir à nouveau les magasins. Les trente glorieuses n’ont pas démarré dans l’euphorie, mais dans l’inquiétude.
Des jeunes, les zazous, résistaient à la morosité, dansaient à Saint-Germain des Prés, nos ainés se passionnaient pour le jazz ou les chansons de Trenet, mais nos parents ne pavoisaient pas. Aujourd’hui, je reconnais les mêmes inquiétudes.
Aujourd’hui, l’impression générale est pessimiste. Pourtant l’insouciance est à son comble. D’immenses fêtes, comme les jeux Olympiques, les concerts à cinquante mille spectateurs se déroulent à grands frais sans accrocs majeurs. Une déambulation de touristes donne le tournis à la planète entière. La richesse se démocratise et les ultras riches sont de plus en plus riches.
Cependant le fossé se creuse entre ceux qui en profitent et ceux qui sont laissés sur le bord. Parfois, ce n’est qu’une impression, de la jalousie, parfois de l’insatisfaction insidieuse. Mais beaucoup ne parviennent plus à joindre les deux bouts, même s’ils travaillent. Trop de charges fixes. En France, une famille sur quatre est monoparentale, entraînant des dépenses supplémentaires. En 2018, la colère des gilets jaunes s’est exprimée en d’innombrables revendications durant de longues semaines.
A contrario, innombrables autour de nous, sont les bonnes volontés, les jeunes bourrés d’initiatives, prêts à remettre en cause des habitudes néfastes et surannées, attentifs au climat, à leurs modes de vie. Ce serait trop long de les énumérer ici. J’espère qu’ils apparaissent dans ces chroniques. Une génération inventive et travailleuse qui ne se montre pas, plus indifférente aux notions de réussite, de gains et de gloire que les précédentes, mais fragile, menacée par le burn out, une fatigue pouvant les laisser sur le flan durant des mois.
Font-ils le poids ? En tout cas, les banlieues et la campagne sont de plus en plus rongées par la drogue, les batailles de dealers. La loi peine à s’appliquer et l’insécurité augmente, la confiance en la démocratie diminue.
C’est sur ce terrain de mécontentement, plus explosif encore aux États-Unis, que Donald Trump a été élu, le même qui a mis a mal la démocratie en soutenant l’assaut du Capitole, après l’élection de Joe Biden.
Son second mandat a commencé en fanfare. Il possède la majorité dans toutes les instances fédérales.
Il a lancé une marée de dispositions qui laissent le monde entier incapable de réactions, toutes plus contraires à la logique, à la morale, aux ajustements mis en place pendant des millénaires. Mensonges, loi du plus fort, seul compte le profit. Il veut le Canada, annexer le Groenland pour prendre ses terres rares. Milliardaire sur la popularité de son seul nom, abreuvé par les dons des mécontents, on a oublié ses faillites, son incompétence en matière économique. Après une période d’euphorie, hier, la bourse de NY a chuté.
La fermeture des frontières et des licenciements massifs désorganisent institutions et production.
L’augmentation des taxes bride le commerce international.
En politique étrangère, l’arrêt de fournitures militaires à l’Ukraine et surtout la fermeture de l’accès aux renseignements stratégiques poussent Zelenski à accepter l’annexion des territoires conquis par la Russie, avec pour corollaire celles de la Moldavie et de l’Estonie, et la guerre en Europe.
Donald Trump se prend pour l’ange de la paix, pour le sauveur du monde. Il a déclaré que son seul but était d’avoir le prix Nobel de la paix. Un fou !
Jour après jour, décret après décret, il sème le chaos, aidé en cela par Elon Musk, plus fou encore. « La nef des fous », dont Poutine, le plus fou et le plus cynique de tous, tient la barre. On cherche des lueurs d’espoir. L’union de l’Europe en est un, la force de nos valeurs, l’amour et la solidarité contre le profit, la peur et la haine, en sont le socle.
Gilles me dit que je suis pessimiste, peut-être à cause des deuils qui nous ont frappés récemment. J’espère qu’il a raison.