Ici, tout est différent. La couleur du temps compte beaucoup ; pour aller se baigner, pour mettre ou non le couvert dans le jardin, pour arroser les fleurs. Quand il pleut on ne voit personne, quand il fait trop chaud non plus, mais aussitôt le nez dehors, on connait tout le monde et on demande des nouvelles de chacun.
Ce n’est pas un endroit touristique, bien que la montagne et le lac en offrent les avantages. Nos voisins partent quand nous arrivons. Angiane, Antoine et leurs deux petites filles en Bretagne, Jacqueline et Marcel en Slovénie dans leur famille, Jill et son mari au Portugal. Hilary a l’intention de partir samedi pour Paris afin d’assister à l’ouverture des Jeux olympiques. Nous qui les fuyons ! Nous faisons tout à l’envers.
Je joue du piano dans le silence et je travaille quand c’est le temps des vacances. J’aime méditer le soir sur la chaise longue du jardin en regardant défiler les nuages. À Paris, on court toujours.
Le manège des oiseaux nous passionne. Le couple de merles a fait quatre petits cette année. Ils sont déjà grands, mais bien maladroits.
Il m’arrive encore de regretter le métro, les sourires des Parisiens, cette vie qui ne s’arrête jamais, mais je m’habitue, je prends mon temps. Nous avons dévalisé la bibliothèque municipale et nous lisons. Pour ma part, un peu trop parfois et la tête me tourne.
J’ai retrouvé Enricke dans la ville haute. Elle termine d’aménager son deuxième atelier de céramique. Elle m’a de nouveau proposé de cuire mes pièces dans son four.
Henriette nous avait invités au restaurant devant la Comédie. Quel plaisir, hier, de les voir et de retrouver Genève.
Nous y allons de moins en moins, car la circulation y devient impossible. Mais Henriette, qui connaît sa ville et nous l’a fait visiter au cours des années dans ses recoins les plus secrets, nous a assurés qu’en fin de journée et au mois de juillet, il n’y avait pas de probléme.
En effet, après celui des pistes de l’aéroport, nous avons eu la surprise de nous enfiler dans un nouveau et luxueux tunnel. Un ou deux kilomètres sous la ville du Grand-Saconnex nous ont amenés en quelques minutes devant le Palais des Nations. Un trajet astucieux par les Charmilles nous a ensuite conduits vers le pont de la Coulouvrenière et Plainpalais.
Miracle ! En moins d’une demi-heure, nous sommes passés de notre hameau rustique du pied du Jura à la place Neuve, ultra civilisée avec son musée Rath, son Grand Théâtre, son conservatoire de musique, sa Comédie, les superbes immeubles aristocratiques de la vieille ville sur la muraille de la Treille. Derrière les grilles majestueuses du Parc des Bastions, une petite foule de tous âges s’agitait avec lenteur autour des grands échiquiers tracés sur le sol, bougeant avec détermination les pièces blanches et noires au milieu du silence passionné des observateurs.
— La plus belle place du monde, d’après Stendhal, nous a dit Lionel quand nous les avons retrouvés sur la terrasse du Lyrique.
Eux aussi étaient arrivés en avance. Lionel en avait profité pour montrer à Henriette l’église dans laquelle à l’âge de dix ans il avait commencé à jouer de l’orgue par la grâce d’une femme dont il se souvenait avec émotion. Depuis, il a fait son chemin dans le monde entier, comme exécutant et compositeur et ce furent des évocations qui ajoutèrent à la saveur des plats. Merci, chère et fidèle Henriette. Le temps ne fait que bonifier une précieuse amitié. Nous avons évoqué nos activités présentes et passées, les parcours de nos petits-enfants, même arrière-petits-enfants pour eux deux, nous félicitant d’avoir jusque-là pu conserver dynamisme et projets, malgré les pépins de santé inhérents à nos âges. Il faisait bon, une petite brise nous caressait la peau. Avant de partir, je suis allée tourner dans ce restaurant historique, sorte de prolongement du Barman du Ritz, le roman que je viens de finir.
J’aurais pu m’éterniser sur les coups de théâtre américains qui ébranlent ces jours-ci le monde entier.
Un attentat a miraculeusement épargné Donald Trump, la balle est passée à un centimètre de son crâne, lui arrachant seulement un petit bout d’oreille.
Le retrait de Joe Biden, l’actuel président des États unis et candidat pour les élections de novembre prochain. Il avait montré des faiblesses cognitives inquiétantes ces derniers temps. Il laisse la place à Kamala Harris, sa vice-présidente, une femme, qui plus est métissée.
Sans compter, chez nous en France, l’incapacité de nos nouveaux députés de proposer un Premier ministre. Le précédent se contente de traiter les affaires courantes.
Nous en sommes réduits, stupéfaits, à nous interroger sur un avenir bien incertain.
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