Je déteste le mois de novembre. C’est le mois durant lequel beaucoup de ceux que j’aimais ont baissé les bras, comme s’ils avaient refusé de subir l’hiver, comme s’ils n’avaient pas jugé bon d’attendre le printemps.
Nous sommes à nouveau frappés. Magalie s’est donné la mort ! Elle arrivait sur cinquante ans, célibataire, une belle carrière dans la banque au Luxembourg, dynamique et volontaire, une masse d’amis, bourrée d’humour. Ce fut un coup de tonnerre, une incompréhension généralisée. Pas un mot, pas une explication. Le Covid ? Usée par la solitude, par le télétravail ? Nous n’avons pas de réponse. Deux jours auparavant, elle envoyait des messages et communiquait sur Facebook. Elle avait le projet de descendre dans le midi en famille. Nous allons nous réunir autour de ses cendres et pleurer ensemble son absence, chacun seul devant le mystère de la vie et de la mort.
Je n’aime pas le mois de novembre. Les arbres se dénudent pour presque six mois, imposant la vue de leurs troncs noirâtres, de leurs silhouettes décharnées. Le vent, la pluie vident les rues. Les premières gelées surviennent, on reste chez soi. Le jour tombe tôt à cause du changement d’heure. Et les soirées s’étirent. On attend le solstice d’hiver, la nouvelle année pour redémarrer. Et c’est long ! Janvier et février sont souvent plus froids, mais au moins les jours rallongent. En mars, on attend avril. Arrive enfin le joli mai ! Les fleurs, les feuilles sur les arbres !
Pourtant, je ne suis pas certaine que j’aimerais vivre sans saisons. Leur alternance ressemble à la vie, à ses hauts et à ses bas, à ses variations. Elle m’évoque la lutte contre l’adversité, nos victoires et nos chagrins, les bonheurs qui surgissent quand on n’y croit plus, la renaissance après un deuil ou une maladie. L’hiver contraint à des efforts pour sortir de chez soi, scelle des amitiés, abrite des fêtes chaleureuses, concentre des réflexions et des projets.
Il pleut, il rit sur Paris. Les parapluies s’ouvrent, les terrasses se remplissent au moindre rayon de soleil. Les sourires fleurissent. Et c’est toujours bon à prendre !
Passage de Cécile et de sa petite fille Léocadie, 11 ans, de retour de Rome. Quel plaisir de tourner les pages de son carnet de voyage, de déchiffrer l’écriture enfantine, de la suivre dans l’évocation d’une semaine de découvertes, d’étonnements en compagnie d’une cousine ! Je revoyais avec elle comme si j’y étais la chapelle Sixtine, le Colisée, la place Navone. La petite fille revivifiait le passé avec l’insatiable curiosité des générations qui se succèdent. Elles avaient beaucoup marché dans une ville plus ou moins encombrée par le G20 réunissant les chefs d’État des grandes économies de la planète. Les hélicoptères tournoyaient. « Contrôles sécuritaires et sanitaires continuels ! ». J’imaginais un raccourci entre un passé enfui et un avenir incertain. L’énergie de Léocadie y glissait un message d’espoir.
Je les ai accompagnées à l’arrêt de l’autobus 39 qui passe à la gare Montparnasse. Elles ont pu voir le Louvre et sa Pyramide, elles ont franchi la Seine au Pont-Royal, l’île de la Cité à l’est, Orsay, les Invalides et la Tour Eiffel à l’ouest, avant de regagner Bordeaux. La petite fille et sa grand-mère auront fait un beau voyage !
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