Le déconfinement n’est pas si facile ! Pendant les deux mois d’isolement, l’appartement était un havre de paix à l’abri du coronavirus. Tout ce qui provenait de l’extérieur subissait une désinfection ou était placé en quarantaine. Une fois les mains lavées et les chaussures retirées on oubliait les soucis qui avaient accompagné la sortie, les dangers qui avaient pu surgir au coin d’une rue.

Les deux mois ont passé dans une étrange confiance, les jours se succédaient tous semblables, agrémentés de nombreuses conversations téléphoniques, de messages amusants. Nous partagions impressions ou inquiétudes. Nous participions aux soulagements de la plupart, aux difficultés ou aux souffrances des autres. Il y avait du bon à voir défiler les jours sans s’ennuyer, de prendre son temps pour faire des rangements dans les placards comme dans nos têtes. Une occasion de savoir que nous nous supportions encore après tant d’années de vie commune. Une occasion de se poser des questions. Il y avait bien quelques baisses de régime, mais tellement peu par rapport à la gravité de la situation. Ce fut une bonne surprise.

Mais aujourd’hui, la réalité s’impose. Tout ce qui avait été pensé, vu à la télévision, lu dans internet se confronte aux véritables rencontres et à leurs dangers, tant sur le plan sanitaire, puisque l’épidémie n’est pas terminée, que sur le plan travail. La foule dans la rue, les précautions dans les magasins, les stations de métro fermées, la distanciation des passagers, il faut penser à tout. Des pans entiers de l’univers se sont évanouis. Travail pour beaucoup, tourisme, etc. Continuer comme avant ? Trouver des idées ? Rien n’est simple.

Malgré un fond de déprime à surmonter, des relations à recréer, car le temps du confinement ne nous a pas laissés intacts, des notes d’optimisme se multiplient chaque jour.

En particulier, quel plaisir de voir rouvrir la boutique du fleuriste ! Lui et sa femme font partie du quartier depuis plusieurs décennies. Il y a longtemps qu’ils auraient dû prendre leur retraite. « Nous aimons trop notre métier, bien qu’il soit plus dur qu’il n’y parait. » Les levers à l’aube pour aller à Rungis, la mise en place et l’agencement des plantes et des fleurs, les bouquets, les livraisons dans les bureaux environnants. « La vente, c’est bien peu de chose, par rapport au reste. » Malgré la maladie de Parkinson qui la fatigue et lui fait de plus en plus hocher la tête, elle sourit à chaque connaissance sur le trottoir, il l’aide à la vente en fin de journée et ne manque jamais de lâcher une blague. Gilles leur a acheté hier de magnifiques pivoines blanches. Quel plaisir ! Je ne cesse de les regarder comme un antidote au Covid19, l’espoir de retrouver un peu d’insouciance le plus vite possible.

Ce fut le sujet des conversations avec Tim et Xiaoli, que nous avions invités à déjeuner. Dîner aurait été un peu trop compliqué à cause des transports. Malgré le manque de contact lors de nos retrouvailles, de la distanciation recommandée à table, une délicieuse confiance nous a réunis. Nous avons mis de côté les complications de la vie, nous avons savouré le simple plaisir de l’amitié, le simple plaisir de nos conversations spontanées, un peu débridées, ce qui manque par Skype. Tim, ex-universitaire de français et d’espagnol aux USA a profité du confinement pour apprendre l’allemand, Xiaoli, qui donne des cours de chinois et fait des traductions pour les expositions LVMH, a travaillé en visioconférence. Ils sont amoureux et c’est pour eux l’essentiel !