Hier vendredi, jour de la Toussaint, en revenant de l’atelier.
Jour férié. Les usagers du métro avaient cédé la place à la foule des touristes. Pas les touristes habituels du week-end, venus souvent des pays voisins : Anglais, Italiens, Espagnols, Belges et Cie, mais plutôt les petites familles françaises en goguette profitant des vacances et du pont de la Toussaint. Cela faisait du monde ! Un peu encombrant par maladresse, mais si charmant. J’aime le regard curieux des enfants sur la succession des stations, j’aime lorsqu’ils se précipitent dehors à la station qui mène à la Tour Eiffel. J’aime les gestes protecteurs et soucieux des parents.
Mais au retour de l’atelier, la fatigue se faisant sentir, l’atmosphère dans le métro bondé était un peu plus électrique. À l’École militaire, un homme entre avec une grosse valise à roulettes, couleur fuchsia. Grand, lourd et épais, il la projette devant lui. Elle passe à quelques centimètres de mes jambes fragiles. Je dois avouer que les valises des occupants des rbnb omniprésentes au centre de Paris commencent à m’agacer. Bruyantes et encombrantes, elles sont poussées sans vergogne par des touristes souvent mal élevés et c’est d’un ton peu amène que je murmure :
— Dangereux !
Il me toise et rétorque, la mine mauvaise :
— Vous n’êtes pas obligée de la cogner !
Il est très rare qu’on soit désagréable avec moi, je le regarde stupéfaite :
— D’où sortez-vous ? lui dis-je, comme s’il habitait la planète Mars.
— De France ! me répond-il sur un ton nationaliste.
Il est accompagné d’un ami qui porte sur le ventre un énorme sac rouge. Celui-ci ajoute pour calmer la situation :
— De Charente. C’est un rebelle !
Il n’y a pas si longtemps, j’étais à Cholet où j’ai constaté que la révolte des Vendéens durant la Révolution Française pouvait servir de prétexte à des réactions hostiles à l’égard de Paris. J’affirmai :
— Les Parisiens sont charmants !
L’homme au sac rouge bredouilla quelques mots d’où il sortait que les étrangers n’étaient pas de cet avis. Je poursuivis :
— Naturellement, quand on n’est pas désagréable avec eux !
Il expliqua qu’il avait été chauffeur de taxi pendant des années à Paris et qu’il en avait entendu de vertes et de pas mûres. J’insistai :
— Si Paris était si pénible, ils ne viendraient pas par millions pour la visiter !
Autour de nous, la foule plutôt débonnaire écoutait avec un certain intérêt. L’homme à la valise avait fini par trouver une place assise et je continuai la conversation avec son ami trop content d’évoquer ses années de taxi. Nous sommes tombés d’accord sur l’importance de l’humour en général. Il faut dire que sa tête hérissée surgissant à peine de son grand sac s’y prêtait assez.
Les passagers restaient sur leur garde, ne voulant pas se mêler à un dialogue un peu compromettant, puis le métro s’est arrêté à Madeleine. Il se fit une sorte d’embouteillage à la sortie, car les provinciaux ne comprenaient pas qu’ils devaient descendre pour laisser passer ceux du fond. Une femme à côté de moi ne parvenait pas à s’extirper de la masse. Mon compagnon s’employa à l’aider. Elle commenta sur un ton neutre :
— Tant pis, si je ne peux pas sortir, je suis très bien ici !
Ce qui nous fit rire. Mais je ne pus m’empêcher de souffler, compressée par le grand sac rouge :
— Vous êtes bien la seule !
Elle descendit sur le quai et continua sa route. J’aime Paris !
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