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Manifestation anti couvre-feu.

Avant-hier, une conférence de presse du président de la République nous annonce un couvre-feu à partir de samedi, en raison de la recrudescence de la pandémie. 21 h – 6 h. Mouvement dans l’opinion, surtout du côté des métiers concernés. Cafés, restaurants, théâtres, cinémas, concerts. Ils sont durement touchés. Les séances devront être décalées pour sauver les meubles, du moins ce qui peut l’être.

Il est vrai que les statistiques du ministère de la Santé ne sont pas bonnes et que les hôpitaux recommencent à déprogrammer des opérations pour soulager les urgences, au risque d’intervenir trop tard dans certains cas, de cancer par exemple. Le personnel est sur les dents, déjà épuisés par la flambée du printemps, beaucoup font des burnout et beaucoup démissionnent. Les hôpitaux sont fragilisés par rapport à mars. Heureusement, des progrès dans les soins ont permis d’éviter un grand nombre d’intubations avec mise en coma artificiel et rééducation interminable. Tout ceci n’empêche pas une partie de la population parfois inconsciente de s’opposer aux directives restrictives de l’État.

Le week-end dernier, alors que les bars étaient fermés par ordre de la préfecture de police, une « tefeu », fête en verlan, a eu lieu dans un bureau de l’immeuble Kenzo mitoyen de notre appartement. Bruit de discothèque de l’autre côté du mur et cris en continu. Ce qui m’a le plus frappée était l’absence de rires. Ces jeunes gens, plus d’hommes que de femmes parlaient comme s’ils assénaient des convictions, hurlant pour se faire comprendre malgré la musique et ses martèlements. Le ton montait avec l’alcool et les heures qui s’accumulaient. À 3h3O du matin, j’ai fini par m’endormir sur le divan du salon, côté rue, un peu à l’abri du vacarme. Nous avons mené notre enquête la semaine suivante, sans succès. Probablement une réunion improvisée dans des locaux vides, en toute légalité d’ailleurs. Par contraste, les rues et la place des Victoires désertes et silencieuses avaient quelque chose de surréaliste.

Effectivement, nous entendons parler ces temps-ci de cas de Covid, parfois très lourds, Christophe après avoir travaillé pour la fashion week est resté quinze jours alité avec une fièvre de cheval, il s’en remet à peine, ses enfants sont atteints, Miguel s’est trouvé à convoyer un bateau de Corse vers Marseille avec un ami pendant la fameuse tempête qui a ravagé la Côte d’Azur fin septembre, tous deux malades à en mourir. De retour chez lui, il a contaminé sa femme et ses enfants. Un neveu a été atteint après avoir assisté à un mariage. Et j’en passe… On ne peut pas comparer cette situation aux pestes du Moyen-Age, naturellement, mais ça sent le roussi. Il faut faire très attention. Je continue d’aller à l’atelier, mais je sors des rames lorsqu’elles se remplissent et j’attends sur le quai le passage d’un métro au public plus clairsemé.

Nous avons pu recevoir Tim et Xiaoli dimanche après-midi en respectant les distanciations et en aérant l’appartement. Quel plaisir ! Soucieuse, j’avais donné un mauvais rendez-vous à Sara et Pablo. Nous avons bien l’intention de remettre ça avec eux. Pas question de se laisser dominer par ce sacré microbe !

Je n’ai pas eu le temps d’aller du côté des Halles et de la Soupe Saint-Eustache. Je crains le pire. La misère guette. Les aides d’état ne pourront pas durer indéfiniment. Comment vont survivre les travailleurs du tourisme et de la culture ? Paris est en panne.

La décapitation d’un professeur de géographie pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet par un jeune radicalisé de 18 ans a bouleversé la France entière. Le résultat d’une incitation à la haine sur internet. Manifestations dans tout le pays, questions autour de l’encadrement juridique des messages du web. Samuel Paty, professeur estimé de tous, avait obéi au programme sur la liberté d’expression et demandé aux élèves pouvant être choqués de sortir dans le couloir. Un parent musulman relayé par un imam radicalisé avait lancé contre lui une sorte de fatwa sur la toile et ainsi poussé à l’action un jeune d’Évreux en Normandie, inconnu des services de renseignements.