La pandémie régresse partout dans le monde. Le variant delta a pratiquement disparu au profit de l’omicron beaucoup plus contagieux, mais moins virulent. Les vaccinés avec rappel sont contaminés, mais sans symptômes ou avec de gros rhumes, trois ou quatre jours sans fièvre. Nous avons tendance à oublier les précautions, malgré les directives sanitaires restées en vigueur. Pour ma part je croise les doigts, car j’ai toujours détesté les gorges emportées, les nez en marmelade, les têtes enfarinées, fréquents l’hiver avant la pandémie et le port des masques.

On annonce la fin des restrictions pour bientôt. Les antivax devraient se réjouir. Mais non ! Ils manifestent plus que jamais partout dans le monde. Le principal mouvement a démarré au Canada, allant jusqu’à boucher le pont frontière entre le Canada et les États-Unis. Ils forment des files de voitures et de camping-cars, pompeusement autoproclamés « Convoi de la liberté ». Ils ont étendu leur refus du vaccin à toutes sortes de revendications concernant ce qu’ils estiment des atteintes à la liberté dans un fourre-tout qui réunit écologistes, souverainistes, extrêmes gauches, extrêmes droites, et bien d’autres groupuscules dont on ne sait pas grand-chose. Dimanche, le mouvement va converger de toute la France vers Paris, puis vers Bruxelles.

Grands dieux ! ai-je pensé. La pandémie avait arrêté les violences des samedis des années précédentes. On va revoir les manifestations, les gilets jaunes, les vitrines cassées, les magasins pillés, les voitures brûlées, les stations de métro fermées, les interminables marches à pied dans Paris.

— Vous ne pourriez pas faire ça en province, pour changer ? ai-je dit à l’un d’eux.

Justement, ce dimanche, nous allions au Théâtre de la Ville sur les Champs-Élysées , haut lieu de contestation gilets jaunes.

Contraints par le temps, nous avions pris des places ce jour-là pour aller voir Candide qu’Eve nous avait chaudement recommandé, une coproduction, comédie de Saint-Étienne et MC2 Grenoble. des places pour aller voir Candide qu’Eve nous avait chaudement recommandé, une coproduction, comédie de Saint-Étienne et MC2 Grenoble.

Un peu étonnés de ne trouver aucune restriction de métro sur Internet, nous nous sommes dirigés vers la station Palais-Royal. Arrivés devant le Conseil d’État, nous avons vu les drapeaux de l’extrême droite et entendu des slogans et de vociférations contre le président Macron.

Pourtant le métro fonctionnait. Mais une fois dans la rame, sans le moindre avertissement, nous avons été catapultés d’une traite jusqu’à la Porte Maillot ! Une façon d’isoler les Champs-Élysées et la place de l’Étoile. Heureusement, nous avions prévu large ! De retour à la station Palais-Royal, la manifestation s’était étoffée, encadrée par des policiers harnachés de gilets pare-balles et de casques. Nous avons longé le jardin des Tuileries sur des trottoirs bondés, au milieu d’une foule compacte de badauds pacifiques, de petites familles en goguette, de touristes, ravis de pouvoir profiter du soleil dans la beauté de la capitale.

Place de la Concorde, rien de particulier ! C’est transpirants que nous avons atteint le théâtre. Nous n’étions pas les seuls à avoir eu des problèmes et la séance a démarré avec une demi-heure de retard, certains sièges demeurés vides.

Ce fut un festival d’esprit, de situations proches de celles que nous vivons, y compris l’épidémie, avec une intelligence et une vitalité revigorantes et surtout un bon sens réconfortant pour notre époque d’aberrations sur internet.

Critique des puissants, des intellectuels, des religions, de la soumission, de l’exotisme, des voyages, tout était d’actualité.

Oui, les gilets jaunes seraient bien avisés de cultiver leur jardin plutôt que d’aller boucher la circulation des travailleurs avec leurs coûteux camping cars, alors qu’une partie de la planète meurt de faim sous les bombes.

J’avais craint le pire. Il n’en a rien été. Manque de cohésion des manifestants, progrès dans les stratégies policières?

Les manifestations n’ayant pas été autorisées, les véhicules ont été arrêtés aux portes de Paris et la masse des « insurgés » s’est réduite à environ 7 600 personnes pour à peu près le même nombre de policiers. Bruxelles a annoncé la même volonté de fermeté que Paris. Aux dernières nouvelles, le « Convoi de la liberté » parqué pour la nuit dans une zone industrielle à la périphérie de Lille, hésitait à bifurquer vers Strasbourg, centre du parlement européen.

Quand nous sommes revenus à la nuit tombée, la lune brillait sur le ministère de la Culture.