La sœur tourière et moi avons gravi toutes les deux un escalier de pierre, en haut duquel nous avons franchi une vaste porte de chêne fermée à clé. Encore quelques couloirs et elle m’introduisit dans une petite pièce dont le fond était fermé par une grille en fer forgé. Derrière la clôture je vis arriver ma cousine clopin clopant vêtue d’une robe de bure noire. Encadrant un visage émacié, quelques rares cheveux blancs dépassaient de sa coiffe de nonne. J’avais quitté une jeune fille athlétique et blonde, je retrouvais une vieille femme chenue.
Elle me dévisagea avec un sourire que je reconnus aussitôt ; large, découvrant des dents, aujourd’hui abimées. Il avait traversé les décennies et exprimait une telle chaleur que j’en fus touchée. Je la remerciais de me recevoir après tant d’années. Son sourire s’étira encore et elle répondit :
– Quel est votre nom ? Je n’ai pas bien entendu.
La surprise passée, J’ai pensé qu’elle pouvait ne pas reconnaître la petite fille, puis la jeune fille qu’elle avait connue cinquante ans auparavant.
– Farge.
– Je ne connais pas.
– Tu ne te souviens pas de moi, Martine !
Et je dénouai mes cheveux pour l’aider. Elle me regarda comme si je faisais du striptease. J’en fus un peu gênée.
– Non, je ne me souviens pas.
(à suivre)
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