• Répétition en public

    Hier, répétition générale de « L’Atelier », devant un public restreint. L’année ponctuée de nombreux congés n’avait pas permis de mettre au point une pièce difficile à dix personnages, avec décors et musique. Une pièce de Grumberg à la fois tragique et drôle qui raconte le retour des survivants de la Shoah, après la guerre. Notre metteur en scène, Émilie Chevrillon, très prise par ses propres engagements et pas toujours suffisamment disponible durant le semestre, avait préféré repousser la représentation définitive après la rentrée.

    Ce fut assez acrobatique ! La mémoire, la coordination des mouvements sans trop déraper manquaient de cette assurance qui impose un rythme.

    Nous avons ensuite échangé nos impressions autour d’une table du fameux atelier. Champagne, pizza, chouquettes… Le public composé de conjoints et d’amis proches nous a consolés, affirmant ne pas s’être ennuyé une seule seconde. Notre énergie, notre volonté les avaient entraînés dans l’intimité de ce travail et projetés dans une aventure qu’ils jugeaient intéressante.

    Assez fatigués, Gilles et moi allions partir, quand dans l’escalier nous avons entendu de la musique. Sans plus réfléchir, nous avons fait demi-tour.

    Un espagnol producteur, acteur et metteur en scène de spectacles s’était mis à la guitare, entouré d’une dizaine de rescapés bien décidés à faire la fête autour des fonds de bouteilles. Une cinquantaine d’années, costaud, des yeux de velours, il a commencé par les chansons les plus langoureuses du répertoire espagnol et a vite econtinué sur des musiques latino-américaines, des danses des Caraïbes. Il a chanté en duo avec son ami Ruben, argentin, lequel avait retrouvé son sourire après avoir été un peu déçu par sa prestation.

    Émilie en a profité pour nous féliciter et nous encourager à continuer nos efforts pour les retrouvailles de septembre.

    Elle s’est mise au piano. Accompagnés de la guitare, nous avons tous chanté un « Que sera, sera ! », bourré de bonne humeur, de fausses notes et de confiance.

    Une bonne soirée !

    Une certaine forme de résistance, pas si dérisoire que ça, dans ces temps où des tonnes de bombes se déversent sur le monde !


  • Métro, soir de match (suite)

    Après avoir hésité devant la jolie et moderne gare de Verrière-le-Buisson à l’orée de la campagne, Hervé nous a déposés dans la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines, ce fut un choc.

    Saint-Quentin-en-Yvelines est le nom d’une agglomération de communes, « une ville nouvelle » construite sur des terrains agricoles à partir de la fin du 20e siècle, aujourd’hui une entité de plus de 200 000 habitants. Grands ensembles, pavillons, zone industrielle s’étalent sur 120 km carrés, reliés par de larges voies, de nombreux ronds-points, et traversés par des autoroutes et des voies ferrées.

    La ville de Trappes, en particulier, a accueilli de nombreux travailleurs émigrés dans de grands ensembles. De coquets lotissements dans des villages ont servi de refuge aux ménages qui ne pouvaient pas payer les loyers exorbitants de Paris.

    Le centre et ses immeubles ont mal vieilli, l’opéra (national) est en réfection, la gare, malgré quelques efforts, a souffert du passage des innombrables ouvriers ou employés travaillant en particulier dans le centre commercial et financier de La Défense, direction que nous allions prendre en RER.

    Ce samedi soir, la gare était déserte et paraissait d’autant plus prématurément usée. Sur le quai, un grand monsieur noir nous a hélés avec un large sourire et nous a montré deux places à côté de lui. Une bonhommie aussi discrète que les usages bretons, à laquelle s’ajoutait une chaleur humaine déconcertante. Notre âge en était peut-être la cause.

    Après avoir roulé sur la colline qui domine l’ouest de Paris, au terminus de La Défense, nous avons pris la ligne 1 du métro.

    Nous avions oublié le match de football qui se jouait à Munich et dont Le Paris-Saint Germain était finaliste pour le titre de champion d’Europe. Le métro était en ébullition. Un haut-parleur nous annonça qu’il ne s’arrêterait pas entre le pont de Neuilly et la station Louvre, pour des raisons de sécurité, ce qui nous arrangeait.

    En effet, l’avenue des Champs Élysée attendait un million de supporters venus pour fêter une éventuelle victoire !

    J’aime le métro, j’y retrouve en quelque sorte ma famille de chaque soir, tous ces gens dont je partage les gestes, les mimiques, les fatigues et les joies. J’aime et déteste le métro. Je le déteste pour sa promiscuité, je l’aime pour sa solidarité. Que de sourires ou d’exacerbations communes ! On est dans la même marmite.

    Ce soir-là, des groupes de jeunes, la plupart d’origine africaine et venus des banlieues, se dirigeaient vers « la plus belle avenue du monde ». Et comme d’habitude, les garçons d’un côté et les filles de l’autre, se jetant des coups d’œil furtifs. Ils faisaient plaisir à voir. Ils riaient, lançaient des blagues, c’était la fête. On n’avait pas encore gagné, mais le score était bon.

    Les filles s’étaient mises sur leur trente-et-un, qui consistait à n’avoir presque rien sur le corps et beaucoup de maquillage sur la figure, le crâne surmonté de coiffures savantes, tressées ou ébouriffées. Elles riaient plus fort que les garçons. Manifestement, elles avaient décidé de passer une bonne soirée quel que soit le résultat du match. Les garçons parlaient technique, s’approuvant ou s’opposant avec sérieux et décibels.

    Les filles parfois volumineuses étaient vêtues à la mode de cette année. Elles portaient des shorts qui leur montaient au plus haut des cuisses. Je me suis souvenue de celles d’il y a quelques années. Les pantalons dénudaient les nombril et les ventres jusqu’à  » ras la touffe ». À cette époque, il valait mieux ne pas être assis sur un strapontin du métro à cette hauteur. Aujourd’hui, c’est surtout du bas vers le haut qu’elles dévoilent leur anatomie.

    Arrivés à notre station, nous avons remonté la rue du Louvre. Des hurlements de joie provenant des cafés nous ont laissés espérer une victoire. À peine arrivée, j’ai ouvert la télévision. J’ai vu les deux derniers buts. Magnifiques !

    Le lendemain, on a appris qu’il y avait eu des interpellations un peu partout en France après le match. Mais j’ai surtout remarqué un reportage où des filles s’indignaient d’avoir été traitées de p… par des garçons éméchés. Et j’ai repensé, amusée et songeuse, à leur tenue de fête.


  • Bretagne. Football

    Nous avons été invités par ma nièce Virginie et son époux Gilbert à passer quelques jours du grand week-end de l’Ascension dans le Trégor avec mon frère Hervé et son épouse Véronique. Nous avons roulé en TGV jusqu’à Rennes, d’où Virginie et Gilbert nous ont conduits en voiture jusqu’à leur maison de Plougrescant. Hervé et Véro venaient de la région parisienne.

    À Rennes, Gilbert nous a montré les maisons et bâtiments qu’il avait construits ou rénovés en tant qu’architecte. Impressionnant ! Maisons, immeubles, écoles, et même une prison.

    Je connais mal la Bretagne, plus orientée depuis toujours vers le sud-est. Du côté de Saint-Brieuc, puis à Tréguier, j’ai compris que la mer s’infiltrait dans des vallées dont les eaux montaient et descendaient au gré des heures, laissant apparaître des berges ou des marais étranges. Un aperçu de ce qui nous attendait à Plougrescant.

    Nos neveux qui habitent à Rennes ont acheté cette maison il y a quelques années, un rêve de longue date. Gilbert, originaire de Perros-Guirec, breton bretonnant, connait la presqu’île comme sa poche. Il y a passé son enfance et son adolescence, il a crapahuté dans la campagne, sur les grèves et les rochers de granit, il est rentré dans beaucoup de maisons à croire que les Bretons sont tous cousins. Ils se sont connus sur des bateaux. Jeune ménage, ils ont acheté un voilier sur lequel ils ont passé leurs week-ends, tournant autour des sept îles, se frayant des chemins dans les baies, dormant aux mouillages, poussant parfois jusqu’à Jersey ou Guernesey.

    Lorsqu’il y a trois ans, Virginie vit l’annonce de la vente de sa maison dans Internet, elle envoya aussitôt, sans la visiter et sans même consulter Gilbert, une proposition de prix qui fut acceptée.

    — Dans la région, les ventes sont rares et se font de bouche à oreille. Il ne fallait pas hésiter !

    Ils ne l’ont pas regretté. La maison typiquement bretonne, sur la colline mais blottie dans un creux, est dans un état parfait. Depuis les fenêtres de l’étage ou depuis le haut du jardin fleuri, on voit la mer, ses rochers aux formes fantastiques, ses grèves plus ou moins recouvertes d’eau ou de cailloux, ses roses ou rouges sombres, ses bleus ou ses orangés. Le ciel s’assombrit et se dégage dans la même journée, passant d’une image de naufrageurs, à de paisibles et riants bleutés.

    Nous avons passé trois jours à tourner de baie en baie, de montée en descente sur la mer, à nous arrêter pour des promenades sur les sentiers ou pour des méditations devant les innombrables îles désertes ou habitées qui caractérisent cette côte. Des amas de rochers semblaient défier les tempêtes dans des équilibres fragiles, certaines îles dentées et crénelées émergeaient comme des crêtes d’animaux préhistoriques tantôt du sable, tantôt de la mer. Un monde de légendes.

    Des légendes qui avaient bercé l’enfance de Gilbert, intarissable sur les personnalités qu’il avait croisées, sur les célébrités qui avaient adopté son pays, comme Maurice Denis ou Calder, sur mademoiselle Fifi, une chanteuse d’opéra de la Belle Époque.

    Nous avons bu l’apéritif du soir à l’heure « exquise » sur une terrasse de restaurant devant la plage de Trestignel. Le lendemain, un autre apéro nous a réunis avec impédimenta sur celle de Port Blanc où des petites familles finissaient l’après-midi au soleil, les pieds dans la mer, pour certains courageux, dans l’eau.

    Un matin, Gilbert est allé pêcher des ormeaux qu’il a ensuite vidés, battus, que Virginie a passé à la poêle, accompagnés de pommes de terre de la région. Un régal agrémenté de conversations sur des sujets parfois difficiles, mais toujours avec civilité.

    Nous avons visité Tréguier, sa cathédrale. Nous avons vu le crâne de Saint Yves (petit et rond) et nous sommes entrés dans le jardin d’Ernest Renan en discutant avec la guide.

    — On se trompe. Renan n’a jamais été athée.

    Nous avons eu l’impression de nous trouver dans une sorte de paradis dont les habitants étaient sportifs, jamais obèses, pêcheurs de coquillages et de bars, cultivés et discrets, navigateurs et propriétaires de belles maisons blanches avec vue sur la mer.

    Et ce fut donc le dernier jour une surprise, lorsque Hervé, nous ayant raccompagnés en voiture vers Paris, nous laissa à la gare de Saint-Quentin-en-Yveline et que nous nous sommes retrouvés dans le métro de la ligne 1 pendant le match de foot du Paris-Saint Germain contre l’Inter de Milan !

    ( à suivre )


  • Roger et Sally à Paris

    Nous nous sommes connus il y a plus de cinquante ans. Roger, physicien, travaillait avec Gilles dans le laboratoire Leprince-Ringuet à l’École polytechnique avant son déménagement de Paris à Palaiseau. Nous avions moins de trente ans, Eve et Michaël venaient de naître. C’était la fameuse époque de l’émancipation des jeunes, mai 68 pour nous, Berkeley pour eux.

    Nous nous sommes surtout rapprochés quand Gilles et Roger travaillaient au CERN, Centre européen de Recherches Nucléaires, sur les chambres à bulles. Époque pionnière. Le Pays de Gex était encore rural. Il s’y construisait des immeubles et des lotissements au milieu des champs. Roger et Sally avaient aménagé dans une ferme qui servait d’entrepôt à un antiquaire de Genève. Nous avons vécu dans un appartement flambant neuf à Ferney-Voltaire avant de nous installer dans la maison de Tougin avec un confort très rudimentaire.

    Ils nous évoquaient San Francisco et la liberté, nous étions pour eux des Français. Nous nous étonnions et nous apprécions mutuellement. Nous avons connu leurs parents. Et plus tard, à leur retour en Californie, nous sommes allés les voir à plusieurs occasions. Au fil des années, ce furent des rencontres chaleureuses de plus en plus fraternelles, à Paris, à Tougin. Les autres enfants sont nés. Nous avons fait la connaissance de Barbara, la sœur de Roger, dont je parle parfois ici.

    Et nous avons vieilli, toujours jeunes dans nos cœurs et nos souvenirs.

    Mais il y a quelques années, on diagnostiqua un cancer chez Roger avec un pronostic défavorable. C’était sans compter sur sa ténacité et les progrès de la médecine. Non seulement il s’est battu sans relâche, mais il a continué à superviser des jeunes chercheurs pour des travaux océaniques jusqu’à aujourd’hui.

    Presque chaque année, ils passaient un mois en Europe partagé entre des randonnées pédestres et une maison, toujours la même, dans le sud-ouest sur les bords de la Dordogne.

    Mais la santé de Roger se dégradait, ses traitements devenaient de plus en plus handicapants. Il nous écrivait qu’on lui administrait des médicaments radioactifs qui l’obligeaient à se tenir à distance de Sally pendant quelques jours. Il avait des difficultés à marcher.

    Ce fut donc une surprise lorsqu’il y a quelque temps nous avons appris qu’ils s’apprêtaient à venir passer un mois à Ferrare auprès de Barbara. Même en bonne santé, les voyages au long cours me sont une épreuve. Dix heures, coincée dans un fauteuil d’avion me semblent insurmontables. Comment était-ce possible ?

    Puis je me suis souvenue que c’est une famille que rien n’arrête. Je me suis souvenue de cette énergie U.S. qui leur fait serrer les dents quand d’autres se plaignent, qui avance quand les Français rechignent. Et j’ai tiré un coup de chapeau.

    C’est néanmoins avec inquiétude que j’ai attendu leur venue à Paris d’où ils allaient embarquer pour San Francisco.

    L’atelier était trop inconfortable, l’appartement peu commode. Ils ont réservé un hôtel. Et c’est hier que nous leur avons ouvert la porte. Quel plaisir !

    Nous avons papoté pendant plusieurs heures autour d’un repas bien français (rillettes du Mans, Paris-Brest…), évoquant le passé, le présent, la maladie de Roger, nos enfants. Un de leur fils, Andrew, filme des vidéos de baleines dans l’océan pacifique au sud de San Francisco. En plongée, il porte sur lui un appareil qui l’entoure d’ondes censées le protéger des attaques de requins.

    Nous avons aussi évoqué la politique internationale, Trump, Poutine, la guerre en Ukraine.

    Ils s’inquiétaient pour l’Europe, pour la France et l’Italie. Sans l’argent US, pourront-elles résister à Poutine ?

    — Il veut retourner aux frontières soviétiques, a dit Gilles.

    On a parlé de la politique de Trump.

    — Tout ce qu’il détruit sera difficile à reconstruire ! a dit Sally.

    Mais elle a ajouté :

    — Je suis confiante. Cela va durer encore trois ans, mais après, quand tout aura été bousculé, je pense qu’on va recommencer à zéro et que ce sera mieux qu’avant.

    J’aime entendre ce genre de chose malgré mon pessimisme.

    Nous allons boire une bière tout à l’heure dans un café près de leur hôtel, un répit avant de les voir s’envoler demain.

    La vie est tellement longue et courte en même temps…


  • Les Touginois à Paris

    Je m’attendais au pire. Marcel, 86 ans, est diabétique, il venait juste de cicatriser d’une plaie au pied après des semaines de soins infirmiers. Son épouse, Jacqueline souffre d’un lupus. Denis, 60 ans, ne valait guère mieux, le genou en marmelade. Mais l’autre Jacqueline, la soixantaine dynamique, avait décidé d’avaler Paris.

    Moi-même, je ne suis pas très fraîche. Une tendinite me tracasse depuis un moment. J’avais rangé et nettoyé l’atelier. Nous avions transporté couettes et draps en taxi la veille. Ce matin-là, je leur ai ouvert la porte avec un rien d’inquiétude.

    À Tougin, nous les avions mis en garde au sujet des escaliers de métro et de l’agitation de la ville. Ils nous écoutaient avec attention, eux qui ne manquent jamais de nous dire qu’ils ne pourraient pas vivre à Paris, qui nous voient arriver comme des naufragés.

    En fin de matinée, j’ai entendu le rire de Jacqueline C. sur le trottoir. Quand j’ai ouvert la porte, j’ai vu nos quatre amis, solides sur leurs jambes, discrètes valises à roulettes au bout des bras, sourires aux lèvres, étonnés de mon inquiétude. Ils m’ont sauté au cou avec une chaleur revigorante.

    Ils ont déposé leurs affaires et nous avons déjeuné sur une terrasse de La Motte Picquet au milieu des rires et des conversations des employés de l’École Militaire en pause midi. Ça les changeait de Tougin !

    Comme nous devions aller tous ensemble le soir au théâtre du côté de l’appartement, ils avaient décidé d’aller passer la journée dans le centre. On en a profité en sortant du métro pour faire un tour du côté des passages, de la Bourse et du Palais-Royal.

    Un message nous a alors annoncé que la séance était annulée, ce qui n’a en rien altéré leur bonne humeur. Ils observaient tout. Rien à voir avec les touristes habituels. La Banque de France, c’était leur banque, le Conseil constitutionnel, c’était la garantie de leur république, le Musée du Louvre, leur musée. Ils étaient au cœur de la France.

    Après s’être reposés un moment à l’appartement, ils nous ont quittés, décidés à déambuler sans préjugés dans le quartier des Halles. Ils avaient gardé Notre-Dame, le but premier de leur voyage pour le lendemain à la première heure.

    Vous n’imaginez pas tout ce qu’ils ont vu durant ces trois jours, avec quelle inventivité ! Ces petits coins qui font le charme de Paris, le mur végétal de la rue d’Aboukir, mais aussi le Panthéon. Quand ils nous ont dit qu’ils avaient passé la dernière journée à Versailles, nous nous sommes souvenus des marches interminables vers les Trianon, autour des bassins. En fait, ils avaient repéré le petit train qui transporte les visiteurs. Ils s’arrêtaient dans des cafés, discutaient avec leurs voisins et tout n’était qu’aventure, de futurs souvenirs.

    Quand ils sont repartis, j’ai pensé à nos parents et surtout à nos grands-parents rivés à leurs fauteuils au même âge. J’ai aussi pensé à mon pessimisme. Ils m’avaient donné une belle leçon de vie.

    Marcel m’a dit :

    – On te remercie de ton hospitalité. On a vécu des moments merveilleux, on a des souvenirs pleins la tête. Je ne sais pas si nous pourrons recommencer, mais nous en avons bien profité.

    Le lendemain, lorsque j’ai pris le métro pour aller travailler, après avoir rangé mon atelier, je me suis dit qu’il était beau d’avancer, de goûter à travers les difficultés au moindre rayon de soleil.

    Nous attendons maintenant Roger et Sally, nos amis de San Francisco, qui arrivent de chez leur sœur Barbara à Ferrare. Eux aussi ont repoussé les limites de l’âge.


  • Touginois et grêle

    Pendant longtemps, j’ai proposé à nos voisins de Tougin de loger quelques jours dans mon atelier et de visiter Paris. Les deux couples se connaissaient à la manière gessienne, se disant « monsieur, madame », les conversations tournant autour de la pluie, de la sécheresse, sur les tomates du jardin. À la campagne, on est pudique, prudent dans ses relations.

    Marcel et Denis, que j’évoque parfois ici, ont tous deux passé leur enfance dans une ferme et je devinais entre eux des affinités malgré leur différence d’âge.

    Il y a une dizaine d’années, Jacqueline, l’épouse de Denis m’a annoncé qu’ils s’étaient mis d’accord tous les quatre pour accepter ma proposition. Et ce fut pour eux des journées d’interminables marches à Montmartre, d’émerveillements continuels, de rires dans les théâtres, de conversations dans les cafés. Ils en gardent un souvenir impérissable. Leur enthousiasme avait revivifié nos regards sur Paris.

    Je m’étais un peu forcée, tant j’ai du mal à prêter mon atelier, ce lieu de travail, de réflexion, où tout a une fonction qui m’est propre. Je ne le prête qu’à des amis très proches ou très discrets. Dans ces circonstances, il s’agissait d’un pont amical entre Paris et Tougin.

    Par la suite, je me suis confondue en excuse sur le confort plus qu’approximatif des lieux. C’est pourquoi j’ai été très surprise lorsqu’à l’automne dernier ils m’ont demandé de renouveler l’aventure.

    Plus de dix ans avaient passé. Denis est maintenant un jeune retraité,  fringant malgré un genou problématique, mais la santé de Marcel laisse à désirer. Avaient-ils conscience des escaliers du métro, des marches sur des trottoirs encombrés, du bruit dans les restaurants, des files d’attente pour les visites, eux qui vivent dans un univers bousculé de temps à autre par un aboiement de chien ou par le passage du facteur. Ils se déplacent en voiture. Avaient-ils conscience d’avoir vieilli ?

    J’ai tout fait pour les dissuader, moi-même fatiguée à la pensée de devoir préparer leur venue, je n’ai plus vingt ans, inquiète de devoir assumer des problèmes de santé, des situations d’urgence dont je sais combien elles sont acrobatiques. Je voyais déjà l’un d’eux hospitalisé avec tous les problèmes de la situation, et plus grave encore. Rien n’y fit.

    Je pouvais refuser, mais leur demande avait quelque chose de touchant, surtout pour Marcel et son épouse, l’autre Jacqueline. Comme s’ils voulaient repousser les limites de leur âge, résister au fauteuil devant la télévision, à la disparition de leurs amis, à la solitude. Pourquoi pas ? Qui ne risque rien n’a rien. Et puis, ils sont les garants, les témoins de notre vie touginoise, des regards sur la maison quand nous ne sommes pas là-bas. Amitiés et réciprocités précieuses. Je me suis laissé faire.

    Je nettoie l’atelier depuis quelques semaines, un ménage par ailleurs indispensable que je remettais toujours à plus tard. Hier nous y avons transporté draps et couettes en taxi, nous avons déplié lits et matelas. Et j’ai pu faire un inventaire bienvenu entre l’appartement et l’atelier. Maintenant je les attends, sans véritable certitude. Ils peuvent au dernier moment renoncer à leur projet. On verra bien !

    À propos de l’atelier, il s’est passé plusieurs jours avant que je remarque le trou rond d’une vingtaine de centimètres dans une des vitres sur la rue. Des bris jonchaient l’embrasure à l’intérieur, comme à l’extérieur. J’ai pensé à un jet de pierre lancé par un touriste éméché. J’ai vu beaucoup de feuilles séchées, de brindilles, mais pas de projectile sous mon balai.

    Je suis allée me renseigner auprès de la gardienne. Elle est venue regarder le rond presque parfait dans le carreau.

    — Pourtant, je n’ai rien entendu, rien remarqué de spécial.

    C’est alors que nous nous sommes souvenues de l’énorme orage de la semaine précédente.

    — Un grêlon ?

    — C’est possible ! Des verrières ont éclaté au cinquième.

    — Tout de même… Au rez-de-chaussée !

    J’avais observé leur taille exceptionnelle depuis les fenêtres de notre appartement. Au moins deux centimètres. De quoi briser un vitrage de l’ère préindustrielle !

    Nous nous sommes écriées presque ensemble :

    — C’est sûr ! Et il a fondu sans laisser de traces !

    Par la suite, j’ai raconté l’aventure à notre petit-fils Thomas :

    — Le crime parfait !

    L’histoire de la femme qui avait tué son mari avec un gigot congelé.


  • Charlotte, les Christin

    Charlotte est ma nièce, la fille de mon frère Patrice. Nous étions très proches, mais depuis son mariage et son installation dans la grande banlieue de Londres, nous la voyons très peu. Ce fut un plaisir de l’entendre parler de sa vie, l’entendre donner des nouvelles de Jonathon, son mari, un Anglais pur jus, et de leurs deux filles, Annabelle et Héloïse, 18 et 16 ans. Un plaisir et une surprise.

    L’année dernière, nous étions allés dans le Bordelais chez sa sœur Chloé, une plongée dans une campagne traditionnelle, striée de vignes et ponctuée de châteaux. Chloé monte une ferme florale, une vie à l’ancienne avec les moyens modernes.

    La troisième sœur, Camille, kinésithérapeute, après avoir navigué de l’Afrique au Brésil, bourlingué dans les Caraïbes, s’est installée à Florès, une île des Açores où elle loue des maisons à des touristes. Elle a fait l’école à ses enfants sur les bateaux avant qu’ils n’intègrent des prépas sur le continent. Des enfants débrouillards, polyglottes.

    C’est dire qu’elles sont toutes les trois différentes, mais je ne m’attendais pas à ce que les filles de Charlotte soient grunge.

    Ils habitent dans une jolie maison edwardienne avec jardin et bow-window, dans une petite ville traversée par un ruisseau bordé de demeures fleuries. Jonathon prend le train chaque jour pour se rendre à son travail dans une banque de la City. Charlotte donne des cours de français dans des écoles non loin de chez elle. Leurs filles sont grunge ! Anneau dans le nez, cheveux et tee-shirts pendouillards. Cela m’a amusée et rappelé le temps où les filles d’une autre nièce, Caroline, au même âge étaient maquillées à l’excès. Aujourd’hui, elles sont administratrice d’hôpital et ingénieures, mères.

    Les Anglaises ne font pas les choses à moitié ! Et Charlotte a dû m’expliquer que leurs séjours en France n’étaient pas simples et qu’elles ne se sentaient pas très à l’aise dans le milieu bourgeois de Chloé. Annabelle est maintenant étudiante en économie à Liverpool et Héloïse rêve de devenir urgentiste d’intervention.

    Comme il est loin le temps où les enfants faisaient comme leurs parents, avenir tracé, comportement sur le modèle de la génération précédente. Désormais, les parents doivent avoir des nerfs solides.

    Peu de jours auparavant, nous avions déjeuné chez nos amis Christin avec Marie, venue de Thonon pour accompagner Valère Novarina à son exposition de Villers Cotteret. Nicolle nous avait concocté un succulent gratin savoyard (sans crème, cuit dans un jus de viande). Ce fut une bonne après-midi, prolongée jusqu’à six heures, ce qui nous est inhabituel.

    Nous avons eu le plaisir de voir leur petite-fille, Léa. Sage-femme, elle a démarré le métier à Mayotte. Elle nous a raconté un quotidien difficile. Passionnant ! J’en ai profité pour lui évoquer ma nièce Charlotte.

    En effet, Charlotte est née à terme avec un poids d’un kilo et cent grammes. Sa mère disait : « Un kilo de sucre et une carotte. » J’ai demandé à Léa, si elle mettait au monde des bébés de faible poids.

    — Bien sûr. Il y a un service spécial. Aujourd’hui, on refuse de les prendre en charge à moins de 500 grammes.

    — Et les autres ?

    — Il y a beaucoup de séquelles, mais on se réfère à la volonté des parents. Les enfants qui s’en sortent sont très solides, hyper actifs.

    Quand j’ai raconté ça à Charlotte, elle a ri :

    — En effet, je ne suis jamais malade. Je n’ai jamais attrapé le Covid, jamais le moindre rhume.

    Charlotte possède une énergie impressionnante. Elle a ajouté :

    — Je suis née à terme, tout à fait terminée, mais le placenta était petit. J’ai marché à un an mais j’avais la taille d’un bébé de six mois. Dans la rue, les gens faisaient des réflexions. Maman, agacée, a fini par répondre :

    — Oui, elle marche à six mois. Votre enfant a du retard ?

    Aujourd’hui, Charlotte est sportive, un peu forte. Blonde, elle a même pris une tête d’Anglaise. Elle a protesté :

    — Vraiment ? Depuis le Brexit, je me sens tellement française !

    — Pourquoi ? Tu n’approuves pas le Brexit ?

    — Une catastrophe au quotidien !


  • Le pape est mort

    Le pape François est mort dans la nuit de Pâques à lundi d’un AVC. Après une longue hospitalisation, il avait pu, la veille, bénir la foule depuis sa papamobile.

    Des centaines de milliers de pèlerins sont venus dans la basilique, puis sur la place Saint-Pierre pour lui dire adieu. Argentin, « le pape du peuple » a assaini les finances du Vatican qui en avaient bien besoin et simplifié les rituels. Il a été enterré vendredi dans une caisse en bois dans l’église de Sainte-Marie Majeure où il aimait se recueillir.

    Les médias du monde entier glosent sur le nom du prochain pape. Celui-ci devra se pencher sur l’union de l’Église catholique, car là comme ailleurs les tiraillements sont maximum entre les progressistes et les conservateurs.

    J’aimerais écrire de savantes analyses sur le sujet, mais comment le pourrai-je ? Les religions me semblent capables du meilleur, comme du pire.

    Voici plutôt la comptine qui m’est aussitôt venue dans la tête à cette annonce. Une comptine de mon enfance :

    Le pape est mort.

    Qui va régner ?

    Araignée ?

    Pourquoi pas libellule ou papillon ? 

    Elle est irrésistible !

    Nous allons tous mourir de rire.

    Il est vrai que j’en ai tellement vu passer de papes !

    Le premier, Pie XII, nous paraissait sévère derrière ses petites lunettes rondes. Sa photo ornait le coin du miroir de bureau de mon père. Nous n’avions pas encore la télévision et nous l’écoutions, agenouillés devant la radio, prononcer dans un français rocailleux la bénédiction papale.

    Le second, nous était proche, Jean XVIII, un homme jovial que ma mère avait connu nonce apostolique à Paris. Il était venu au Carmel à côté de chez nous pour une cérémonie. Mon frère Philippe, enfant de chœur, avait porté la traine de sa cape. Comme ils entraient dans la belle cour pavée vers la chapelle dont la porte était grande ouverte, le nonce s’était retourné vers lui et lui avait lancé dans un sourire :

    — Hue, cocotte !

    Phrase restée impérissable dans nos mémoires enfantines.

    Ma mère avait été invitée par monseigneur Roncalli lorsqu’il était patriarche de Venise, ce dont elle n’était pas peu fière. Et lors d’un mémorable voyage en famille à Venise, nous avions logé à deux pas de l’archevêché. Elle y avait été reçue personnellement. Devenu pape, il avait réuni les cardinaux pour réformer l’Église. Ce fut Vatican II, qui la changea en profondeur. En particulier, le latin laissa la place aux langues autochtones et la messe fut désormais célébrée en français. Il fut un pape proche de mon adolescence.

    Quelle surprise quand le troisième, Paul VI, lui succéda, tellement différent ! Sérieux, intellectuel, on le voyait rarement sourire à la télévision, dont manifestement l’église ne connaissait pas encore les codes, il est vrai balbutiants.

    Puis ce fut Jean-Paul Ier, on n’en savait pas grand-chose lorsqu’un mois après son élection, il fut retrouvé mort dans son lit. Je me souviens qu’on était à Lozembrune, dans le château des parents de Gilles, et qu’Ève du haut de ses dix ans, observait les adultes avec une curiosité non déguisée. Il faut dire que cette mort, jamais bien éclaircie, avait beaucoup fait parler.

    Jean-Paul II fut élu après un conclave (assez court si mes souvenirs sont bons). Jeune, polonais, premier pape non italien, sportif (il avait fait construire une piscine dans sa résidence d’été de Castelgondolfo), il tranchait sur les autres. Le début de son pontificat fut réformiste. Il poursuivit l’œuvre de Vatican II et lança les fameuses Journées Mondiales de la Jeunesse qui réunissent encore des milliers de jeunes catholiques. Il fut aussi le premier à quitter le Vatican pour des voyages officiels autour du monde, retransmis à la télévision.

    Une tentative d’assassinat sur la place Saint Pierre le laissa de santé fragile. Après un pontificat particulièrement long, il mourut en laissant l’image d’un homme souffrant, cramponné à la hampe d’une croix, solidaire de la misère du monde. Il fut canonisé avec Jean XXIII par le pape François.

    Benoit XVI lui succéda et fut le premier à céder la place de son vivant. Il mourut dans un couvent de Rome.

    Le pape François fut le premier pape non européen. Il œuvra en faveur des pauvres et des émigrants.

    Aujourd’hui, que la guerre en Ukraine tue des milliers de civils, que la bande de Gaza est bombardée, que les nouveaux dirigeants, potentats sans scrupules, mettent en danger l’avenir de la planète, on espère un homme de paix et de conviction. Utopie ?


  • Tougin. Rage de dent

    Le surlendemain de notre arrivée à Tougin, samedi de Pâques : rage de dent.

    Urgences dentaires à Genève, radio : une infection sous un bridge posé il y a deux mois. Le dentiste me prescrit des antibiotiques et du doliprane en attendant notre retour à Paris.

    Il me dit :  » C’est étrange, c’est souvent les jours fériés que ce genre de chose arrive ! « 

    Passage d’Eve, Emmanuel, Noé et Marius, le jour de Pâques. Agneau et papette, soupe pour moi. Une bonne journée finalement.

    On nous avait annoncé de la pluie en continu, nous avons eu du soleil et des nuages.

    Chez Enricke, j’ai repris l’escargot et le hérisson sortis du four.

    Je vous retrouverai la semaine prochaine…

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  • Bourses mondiales. La Résistance au féminin.

    La semaine dernière a été marquée par une agitation exceptionnelle sur les bourses mondiales.

    Donald Trump  a décrété une montée spectaculaire des taxes douanières à l’arrivée des produits sur le sol U.S., 20 % pour l’Europe, 34 % sur les importations chinoises et pour toute la planète un minimum de 10 %.

    La Chine a aussitôt répondu par un taux identique. Trump a surenchéri de 50 %, soit 104 %. Et le lundi, les bourses ont plongé.

    Sous la pression de cette baisse, Trump a annoncé la suspension des taxes pour 90 jours, sauf pour la Chine dont les taxes sont encore montées à 145 %. La Chine a répliqué et porté son taux à 125 %, à partir du jeudi 10 avril. Depuis, en Chine, la plupart des conteneurs sont à quai. L’économie mondiale est déstabilisée, les producteurs tournent au ralenti.

    Finalement, hier, Trump en a exempté la haute technologie, les ordinateurs, très dépendants du commerce international pour qutre vingt dix jours.

    La bourse remonte aujourd’hui après cette dernière annonce. On en est là.

    Stratégie ? Trump frappe très fort pour obtenir moins. En France, par négociation, on a fait descendre le taux de 20 à 10 %.

    On imagine l’inflation qui va en découler, l’augmentation du prix des produits indispensables. Ce sont toujours les plus pauvres qui payent dans ces cas-là.

    On a l’impression d’assister à un show télévisé. On dit que Donald Trump ne lit pas les notes que lui transmettent les spécialistes, il vit à l’intuition, la même que dans son émission de téléréalité The Apprentice, concours sans merci pour obtenir un job. Taper jusqu’à ce que l’autre cède. Pourtant, l’état de la planète n’a jamais été aussi fragile et difficile à appréhender.

    Déjà, les électeurs de Trump commencent à réagir.

    Le côté positif de cette guerre commerciale et des décisions absurdes de son promoteur est l’émergence d’une Europe plus indépendante de l’Amérique. Un vœu pieux ? Il y a si longtemps qu’on en parle.

    Que nous réserve l’avenir ?

    Hier, une émission sur Arte m’a intéressée, la Résistance au féminin pendant la guerre de 40, le destin de cinq résistantes durant la guerre de 40 dont Lucie Aubrac et Geneviève de Gaulle. Les femmes ont été les premières à refuser l’occupation nazie, les hommes étant absents, à entrer et même à inventer la résistance. Elles remplaçaient leurs maris dans les entreprises, dans les fermes. A la Libération, elles ont été renvoyées aux tâches subalternes, de nouveau dévalorisées.

    Ah, le courage de Geneviève de Gaulle ! Sa déportation à Ravenbruck, son isolement et son retour à la vie. L’esprit d’initiative de Lucie Aubrac qui tire son mari des griffes de la Gestapo. Par la suite, dans leurs écrits, elles s’émerveillent de la solidarité qu’elles ont rencontrée, sans rancune. Comment ont-elles fait ? Le prix à payer fut énorme !

    Après la guerre, Geneviève de Gaulle revoyant dans la misère des bidonvilles celle qu’elle-même et d’autres déportés ont vécue, s’est engagée dans le mouvement ATD (Aide à toute détresse) créé en 1956 par le père Joseph Vresinski. « Ce n’est pas tellement de nourriture, de vêtements qu’avaient besoin tous ces gens, mais de dignité, de ne plus dépendre du bon vouloir des autres. »  Mon père recevait le bulletin de cet organisme. Ces témoignages sur l’inventivité et la solidarité régnant dans des lieux de grande pauvreté m’ont particulièrement marquée.

    Aujourd’hui, tous ces efforts sont mis à mal par les normes brutales et cruelles des dirigeants des grandes puissances mondiales. On a oublié les leçons de la guerre.

    Pourtant, dimanche, comme chaque année, le Marathon a traversé Paris, avec la même profusion d’énergie. Le printemps couvre de fleurs les squares et les pelouses de la ville.