Beaucoup trop à raconter. Il va falloir résumer.
Éléonore est née.
Pas très en forme avant mon départ, nous sommes tout de même partis. Bien nous en a pris, mes contractures ont cessé quelques heures après notre arrivée et après une soirée apaisante devant la cheminée. J’aime voir les flammes danser, le bois craquer, les étincelles pétiller. La maison n’était pas très froide. Elle s’est vite réchauffée.
De la brume, quelques éclaircies, un jour de soleil, les arbres dorés, une petite bise sur le lac désert. Temps d’automne.
Nous avons couru après un artisan. Gilles a coupé les iris, les holtas. Des allers et retours à la décharge. Marcel, Denis et Gilles ont mené une opération contre un nid de guêpes dans la toiture. Elles n’étaient pas contentes. Sans succès, mais on s’est bien amusés.
Comme toujours pendant nos séjours courts, des rencontres plus ou moins improvisées. Enricke est venue avec son mari et les amis qui me l’ont fait connaître, Alan et Isabella Parkinson. On a juste eu le temps de prendre un verre, mais c’était passionnant. Alan possède un four de trop grande taille pour mon travail, il m’avait envoyée chez Enricke, potière passionnée originaire des Pays-Bas que j’ai déjà évoquée ici.
Elle a cuit mon travail de l’été qui a pu être transporté sans problème vers Paris et que j’émaille ces derniers temps. Je lui ai apporté la colle spéciale cuisson que je venais d’expérimenter avec un succès à confirmer. Alan était très intéressé, il tourne des bols de grandes tailles et invente des matériaux, des émaux, des cuissons savants.
Alan nous a offert son catalogue. Impressionnant ! Artiste reconnu internationalement, il expose dans le monde entier et en permanence de grandes structures gonflables, étranges et joyeuses, des parcours intérieurs aux architectures inspirées des cathédrales, des mosquées iraniennes, colorées et vastes. Il y aurait beaucoup à en dire. À l’origine, c’était des petites structures pour la rééducation de handicapés moteurs, avec l’idée qu’ils pouvaient tomber, ramper, sauter sans se blesser. Il en a fait de véritables palais dans lesquels les foules se pressent. Il est désormais à la tête d’une entreprise à Nottingham qu’il dirige depuis Gex. Un personnage ! Plutôt silencieux, bienveillant, il observe la vie du haut de son mètre quatre-vingt-dix-huit. Son épouse est vive, rieuse, italo-britannique. Encore une polyglotte, comme beaucoup dans le Pays de Gex.
Chris le mari d’Enricke est épidémiologiste à L’OMS. Grand blond, humour. Il a confirmé l’extension de la dengue en raison de la prolifération du moustique tigre dûe au réchauffement climatique.
La maison d’en face est vendue. Nous avons aperçu les nouveaux propriétaires, des amis d’Alan et Isabella. Ils semblent charmants. Ouf !
Denis et Jacqueline sont grands-parents pour la première fois. Le petit Hugo est né mercredi.
Angiane se plaint des épines de l’immense sapin de sa voisine. Elles abiment les toitures et bouchent les gouttières (cheneaux, on dit là-bas), dont les nôtres. La propriétaire n’est pas contre l’idée de le couper, mais elle remet toujours à plus tard. Conciliabules.
Mon piano a retrouvé sa sonorité, sa souplesse. J’ai retrouvé un ami ! Pourquoi ? Mystère. Après le passage de l’accordeur, il était devenu dur et étouffé, certaines touches ne répondaient pas ou ne revenaient pas. Nick était ennuyé, car c’est lui qui m’avait donné l’adresse de l’accordeur (le seul de la région, il n’y était pour rien). C’est ainsi que j’ai eu droit à un concert, des études de Czerny, légères et délicates comme je n’en espérais plus. Lionel, je t’attends !…
Un café avec Marcel et Jacqueline D. laquelle fait partie d’un groupe de soutien pour une école à Haïti. Elle participait à la vente de tableaux et de métaux sculptés et martelés. Elle nous a raconté comment les gangs envahissent désormais les campagnes. Ils avaient récemment tué trente personnes sur un marché. Et aussi les précautions prises pour le convoyage de l’argent de la vente. Des ruses infinies avec la crainte de se voir trahis. Ils ne savent jamais s’ils seront en vie l’heure suivante.
Le samedi, nous avons fermé la maison, pris le car. Dans le TGV qui venait de Genève, nous avons eu la surprise de retrouver Françoise Gardiol. Elle possède un pied à terre à Paris. Elle venait pour trois jours avec l’intention de visiter le Cyclope rénové de Niki de Saint Phalle, à Milly-la-Forêt. J’ai ouvert internet. Un beau programme pour le printemps prochain.
Nous nous sommes raconté des petites aventures vécues lors de nos allers et retours en TGV. Un vol ayant été commis dans son wagon, repérée sur la liste des passagers, elle avait été convoquée par la police française à la frontière de Saint-Julien.
Le lendemain, nous sommes allés voir la pièce où joue Émilie, Rentrée 42. Je l’avais déjà vue avec Corinne dans un très vaste théâtre. À la Comédie Bastille, en face du Siège de Charlie-Hebdo où avait eu lieu le massacre des journalistes à la suite de la publication des caricatures de Mahomet, la rentrée scolaire de 1942, l’absence des enfants juifs raflés par la police française, les réactions des maîtresses faisaient réfléchir dans le contexte actuel de la guerre au Proche-Orient. Superbement bien joué, prix du festival off d’Avignon, Gilles, Julien, Laure et Thomas ont beaucoup aimé. Nous avons attendu Émilie, qui jouait la résistante, à la sortie. Elle ne sait pas encore s’il y aura prolongation.
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