Encore une semaine chargée.
Mardi, Albertville, pour les obsèques de Jean-Claude. Nous nous sommes retrouvés dans la chapelle de son Ehpad avec les pères assomptionnistes, une dizaine de membres de la famille, dont certains venus dans la journée depuis Paris, et des fidèles dont on ne savait pas s’ils venaient à chaque cérémonie ou s’ils étaient des amis de Jean-Claude. Textes essentiels, liturgie épurée, aubes monacales, beaucoup de dignité chez ces anciens missionnaires, baroudeurs de brousse pour la plupart, désormais contraints à la méditation précédant la mort. L’homélie a évoqué l’indispensable respect des traditions malgaches et j’ai repensé à nos conversations avec Jean-Claude. Selon lui, le culte des ancêtres repose beaucoup sur la peur d’éventuelles vengeances. Il espérait leur apporter un message de paix et de pardon.
Le soleil brillait quand nous l’avons accompagné au cimetière. Il avait demandé à être enterré dans le carré de sa communauté. Des plaques de neige luisaient encore sur les montagnes. Ah, l’enfouissement du cercueil dans la terre, je n’arrive pas à m’y faire ! Nous avons quitté Albertville après un goûter dans la salle commune. De l’humour, et l’évocation de la bonté et du réalisme de Jean-Claude.
Nous étions venus avec Ève, qui nous a ramenés à la gare de Grenoble. Un rien de nostalgie, nous n’aurons plus guère l’occasion de retourner à Albertville, mais cette ville est désormais imprimée dans mon âme.
Quelques jours à Paris très occupés et nous avons pris le train gare du nord pour Calais-Frethin où Philippe est venu nous chercher en voiture.
Nous nous sommes enfouis dans la beauté du Boulonnais, ses verts délicats qui se glissent dans une mer aux tons céladon. Des perdreaux, des faisans bordaient le chemin vers la Ferme. Dans la lumière déclinante, les vaches, les veaux et le lourd taureau noir évoquaient les tableaux de Rosa Bonheur. Le marais était survolé par de grands oiseaux migrateurs. Un paysage totalement préservé de construction, une sorte de miracle !
Le lendemain, nous sommes allés au mariage de Marie, dans une église intégriste de Boulogne-sur-Mer. Cérémonie, ô combien différente de celle d’Albertville. Le rite de mon enfance. Prêtre en chasuble brodée d’or et d’argent, dos au public, sermon impérieux, durée d’une heure et demie. Je me suis souvenue de l’ennui qui me tordait l’estomac.
L’église était remplie de familles avec des jeunes enfants. Quantité de mères avec des bébés dans les bras. Les pères prenaient le relai. Une chorale d’hommes. La lecture de l’épitre de Saint-Paul m’a une fois de plus surprise :
Que les femmes soient soumises à leurs maris, comme au seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’église, son corps dont il est le sauveur. Or même que l’église est soumise au Christ, les femmes doivent être soumises à leur maris en toutes choses.
Et j’en passe…
Les mariés sont sortis sur le porche ensoleillé. La voiture qui les a emmenés dans le château familial était époustouflante. Une ancienne Citroën Prestige, celle de Chirac. J’avais vu récemment un documentaire sur ces voitures au nombre de deux, l’autre est blindée.
Le château de Billeauville, son parterre arrondi et fleuri, les grands arbres qui le dominent, le grand escalier de pierre, furent un écrin lumineux comme on n’en voit pas souvent. Rien à voir avec un lieu loué. On était chez soi !
Le déjeuner sous la tente, sous forme de buffet, nous a permis d’aller et venir des uns aux autres. Nombreuses retrouvailles. Mais quand nous sommes partis, nous avons regretté d’être passés à côté de certains êtres aimés.
Le lendemain nous sommes allés déjeuner sur la digue de Wimereux, à l’Atlantique. C’était superbe, mais Gilles a pris un majestueux coup de soleil.
Encore un dîner chez Régis et Viviane, dans leur maison du bord de mer avant de retourner à Paris. Á marée basse, le soleil se reflétait en nonchalantes coulées dorées sur l’étendue sombre du sable. J’aurais tant voulu marcher sur la plage, participer au crépuscule, mais la voiture avait crevé. Avec une patience infinie, Philippe et Gilles sont arrivés à remplacer la roue par une galette et nous sommes retournés dormir à la Ferme. Au petit matin, Philippe est parvenu à faire réparer sa roue et nous avons pu prendre la route.
Ils nous ont laissés dans les embouteillages devant la gare Saint-Lazare. Une fois de plus, quel choc, quel contraste ! Le chauffeur du bus, un grand noir, discutait avec une femme derrière lui. Ils parlaient de leur week-end, lequel avait eu en commun avec le nôtre les péripéties d’une fête de famille !
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