Près de la cheminée, la banquette me tend les bras. Je m’apprête à m’étaler sur les coussins lorsqu’un groupe me déloge. « Mais si, il y a de la place pour tout le monde ! On va se serrer ! » Je préfère m’asseoir sur une chaise devant. Je déteste me sentir coincée pour écouter de la musique. Mon moral ne s’améliore pas, d’autant plus que le casse-pied de derrière me bouscule quatre fois pour passer et repasser. Mon voisin de droite, une soixantaine d’années, élégant, barbe bien taillée pousse gentiment sa chaise afin de laisser un couloir à l’importun. Je lui fais remarquer que le feu de bois répand une chaleur peut-être excessive. Il me répond que c’est bien agréable. J’acquiesce sans trop de conviction afin de ne pas passer pour une râleuse. Et pour le remercier de sa courtoisie, je lui dis le plus gentiment possible :
– Vous êtes américain ?
Il me répond :
– Mon accent français est si mauvais que ça ?
Je bafouille :
– Pas tant que ça ! Vous êtes à Paris depuis longtemps ?
Il opine de la tête, et j’insiste :
– Depuis cinquante ans ?
Patatras ! Manifestement, je luis mets un peu trop d’années sur le dos. De bonne grâce, il réagit comme à une plaisanterie. Et nous commençons une conversation sur les Américains à Paris, sur Midbnight at Paris de Woody Allen, sur le dernier livre de Douglas Kennedy. Il est de bonne composition. J’accumule les clichés et les gaffes, mais il n’en prend pas ombrage. Il travaille à l’Institut Pasteur depuis plus de vingt ans. Il est marié à une Argentine professeure de tango. Elle doit être jeune car il évoque leur fils de moins de dix ans. On dirait un personnage de roman américain et je finis par sagement prendre le parti de me taire. Il se tourne tout aussi aimablement vers sa voisine de droite.
(à suivre)
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