La jeune fille brune et grande, lumineuse glissait comme dans une nef nuptiale au bras d’un jeune homme un peu effaré, en jaquette grise, perle sur la cravate de soie, haut de forme sur la tête. Il paraissait un peu pâlichon à côté de sa princesse, revêtue de dentelle, un flot de tulle s’échappant d’un chignon torsadé.
Elle avançait, tête droite et sourire figé. La foule s’écartait religieusement. Sa traîne plus longue encore que celle de l’Asiatique ratissait les pavés. La robe était magnifique et la fille aussi. Accroupi devant les mariés, un homme en jean et blouson de cuir filmait la scène à reculons. On pouvait déjà imaginer le couple de rêve sur Facebook, Instagram et You Tube, entourés par la foule de la rue de la Huchette, dans les lumières des restaurants, au milieu des jeunes et des touristes admiratifs. La fête pour le monde entier et pour l’éternité.
Au regard de l’avenir réservé à tout couple lié par un contrat de mariage, un peu de discrétion me semble pourtant indispensable. Un tel tralala promet quelques désillusions. Les querelles, les enfants qui vous réveillent la nuit, le quotidien d’une vie conjugale n’ont pas grand-chose de commun avec ces paillettes.
La semaine suivante, comme je repassai devant la vitrine de la place des Victoires, deux jeunes filles admiraient sans retenue les robes, plus scintillantes et dénudées que jamais. Alors qu’une vague peut-être excessive de misanthropie m’envahissait, je vis soudain à travers la vitre, surgissant entre un mannequin surmonté d’une pomme de pin dorée et le comptoir à moulures non moins dorées, une jeune femme sortir d’une cabine d’essayage. Sa robe l’enserrait sans la serrer. Sous le bustier, la jupe s’élargissait en corolle. Pas de verroterie, pas de drapé, juste en attente des longs gants blancs, et de la dentelle du voile. Elle s’avançait en hésitant, un peu intimidée et demandait du regard quelque approbation. Dieu, qu’elle était jolie !
Fin
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