Nous avons obéi à la tradition qui veut qu’on se disperse pour déambuler dans la foire en toute indépendance. Nous nous sommes donc laissé couler dans le flot. Sous les tentes colorées ou à même le sol sur des tréteaux s’étalaient des objets hétéroclites le plus souvent destinés aux paysans de la montagne. Difficile de deviner l’usage de certains ustensiles, de certaines machines ! Leur point commun ? Une solidité à toute épreuve, pas de chichis, pas de plastique, mais du bois et de l’acier pour les couteaux, de la corde de chanvre, du fer galvanisé haute qualité, tout à l’avenant. Les marchands ne faisaient pas l’article, ils n’en avaient pas besoin. Le produit parlait pour eux. Nous en avons profité pour acquérir deux couteaux de cuisine, les nôtres, vieux de cinquante ans avaient tendance à branler du manche.
Entre les stands d’outils, les quincailleries et les selleries, des queues se formaient autour des produits fermiers. Nous nous sommes arrêtés devant des saucisses sèches provenant de Morzine. Pour un prix modique, nous en avons acheté un assortiment : aux noix, au thym, fumées, nature… En prime, une belle jeune femme nous offrit des « grelots », petites saucisses en chapelet, en s’exclamant :
– … Et ce n’est pas de la gnognote !
Nous avons continué notre errance. Nous sommes passés devant les cages à poules. Poules à houppettes, grosses boules de plumes ou naines, à cous nus, plumes aux pattes. Pas si chères que ça ! Chacun peut s’en offrir.
– On dit qu’elles font office aujourd’hui d’animaux de compagnie dans les appartements, commenta Gilles.
Je me souvenais des poules du fond du jardin de mon enfance. On ne crachait pas sur leurs œufs, mais on se gardait bien d’entrer dans le poulailler qui empestait.
Des porcelets tétaient goulûment leur mère. Il me sembla en voir davantage que de tétines. Je cherchai à les compter, mais ils se bousculaient trop. La mère s’était assoupie.
(à suivre)
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