Métro, soir de match (suite)

Après avoir hésité devant la jolie et moderne gare de Verrière-le-Buisson à l’orée de la campagne, Hervé nous a déposés dans la gare de Saint-Quentin-en-Yvelines, ce fut un choc.

Saint-Quentin-en-Yvelines est le nom d’une agglomération de communes, « une ville nouvelle » construite sur des terrains agricoles à partir de la fin du 20e siècle, aujourd’hui une entité de plus de 200 000 habitants. Grands ensembles, pavillons, zone industrielle s’étalent sur 120 km carrés, reliés par de larges voies, de nombreux ronds-points, et traversés par des autoroutes et des voies ferrées.

La ville de Trappes, en particulier, a accueilli de nombreux travailleurs émigrés dans de grands ensembles. De coquets lotissements dans des villages ont servi de refuge aux ménages qui ne pouvaient pas payer les loyers exorbitants de Paris.

Le centre et ses immeubles ont mal vieilli, l’opéra (national) est en réfection, la gare, malgré quelques efforts, a souffert du passage des innombrables ouvriers ou employés travaillant en particulier dans le centre commercial et financier de La Défense, direction que nous allions prendre en RER.

Ce samedi soir, la gare était déserte et paraissait d’autant plus prématurément usée. Sur le quai, un grand monsieur noir nous a hélés avec un large sourire et nous a montré deux places à côté de lui. Une bonhommie aussi discrète que les usages bretons, à laquelle s’ajoutait une chaleur humaine déconcertante. Notre âge en était peut-être la cause.

Après avoir roulé sur la colline qui domine l’ouest de Paris, au terminus de La Défense, nous avons pris la ligne 1 du métro.

Nous avions oublié le match de football qui se jouait à Munich et dont Le Paris-Saint Germain était finaliste pour le titre de champion d’Europe. Le métro était en ébullition. Un haut-parleur nous annonça qu’il ne s’arrêterait pas entre le pont de Neuilly et la station Louvre, pour des raisons de sécurité, ce qui nous arrangeait.

En effet, l’avenue des Champs Élysée attendait un million de supporters venus pour fêter une éventuelle victoire !

J’aime le métro, j’y retrouve en quelque sorte ma famille de chaque soir, tous ces gens dont je partage les gestes, les mimiques, les fatigues et les joies. J’aime et déteste le métro. Je le déteste pour sa promiscuité, je l’aime pour sa solidarité. Que de sourires ou d’exacerbations communes ! On est dans la même marmite.

Ce soir-là, des groupes de jeunes, la plupart d’origine africaine et venus des banlieues, se dirigeaient vers « la plus belle avenue du monde ». Et comme d’habitude, les garçons d’un côté et les filles de l’autre, se jetant des coups d’œil furtifs. Ils faisaient plaisir à voir. Ils riaient, lançaient des blagues, c’était la fête. On n’avait pas encore gagné, mais le score était bon.

Les filles s’étaient mises sur leur trente-et-un, qui consistait à n’avoir presque rien sur le corps et beaucoup de maquillage sur la figure, le crâne surmonté de coiffures savantes, tressées ou ébouriffées. Elles riaient plus fort que les garçons. Manifestement, elles avaient décidé de passer une bonne soirée quel que soit le résultat du match. Les garçons parlaient technique, s’approuvant ou s’opposant avec sérieux et décibels.

Les filles parfois volumineuses étaient vêtues à la mode de cette année. Elles portaient des shorts qui leur montaient au plus haut des cuisses. Je me suis souvenue de celles d’il y a quelques années. Les pantalons dénudaient les nombril et les ventres jusqu’à  » ras la touffe ». À cette époque, il valait mieux ne pas être assis sur un strapontin du métro à cette hauteur. Aujourd’hui, c’est surtout du bas vers le haut qu’elles dévoilent leur anatomie.

Arrivés à notre station, nous avons remonté la rue du Louvre. Des hurlements de joie provenant des cafés nous ont laissés espérer une victoire. À peine arrivée, j’ai ouvert la télévision. J’ai vu les deux derniers buts. Magnifiques !

Le lendemain, on a appris qu’il y avait eu des interpellations un peu partout en France après le match. Mais j’ai surtout remarqué un reportage où des filles s’indignaient d’avoir été traitées de p… par des garçons éméchés. Et j’ai repensé, amusée et songeuse, à leur tenue de fête.