Ma cousine Claudine, la sœur de Catherine, est partie à son tour. Ma génération disparaît. Elle est partie dans son sommeil d’un cancer du cerveau, sans souffrance grâce aux soins palliatifs de l’hôpital Cognacq-Jay.
Philippe, son mari, m’a dit qu’elle avait pu recevoir des visites jusqu’à la fin. Elle dormait beaucoup, mais dans ses moments d’éveil, elle est restée souriante, attentive aux visiteurs, cohérente, même si elle dérapait souvent.
Il y a un mois, je l’avais eu au téléphone, elle me disait qu’ils avaient l’intention d’aller à Grimaud pour voir les mimosas en fleurs. Quand Philippe m’a annoncé l’issue fatale, il a ajouté : « Là en ce moment, je suis entouré de nos enfants, petits-enfants, et de mimosas. »
J’en reparlerai.
Nous avons acheté un vélo d’appartement.
La marche et surtout la montée des escaliers me sont devenues par moments douloureuses. Je me suis dit que selle et pédales pouvaient m’éviter de mauvaises postures.
Quelle affaire ! Après d’innombrables recherches sur Internet, nous nous sommes dirigés sous une pluie battante vers le Décathlon de la Madeleine. Une entrée directe depuis le quai du métro nous a conduits en quelques minutes vers deux vélos de démonstration. Ils avaient l’air bien. Recherches par le WiFi du vendeur, c’était les derniers et n’étaient plus fabriqués. Il en restait un en stock et en soldes au Décathlon Wagram près de l’Étoile. Impossible d’en savoir plus ! Nous sommes remontés à la surface. C’est protégés de la pluie par une structure de chantier, dans le bruit infernal du boulevard et des travaux que Gilles a téléphoné et appris qu’il était disponible, Il fallait voir sur place pour la commande.
J’ai continué vers l’atelier. Gilles est parti pour Wagram. Une seule station par le RER.
Quand je suis rentrée, le paquet était dans l’entrée !
— J’ai pris le taxi.
— Comment t’as fait ? C’est énorme !
— Oui, et assez lourd, 40 kilos !
Gilles n’est pas du genre bavard. Comme il allait retourner à son bureau, je lui ai demandé des explications :
— C’est le vendeur qui m’a convaincu. Pas plus cher qu’une livraison, laquelle risquait de se perdre. Il a porté le paquet jusqu’au taxi. Il l’a mis dans le coffre avec le conducteur. À l’arrivée, celui-ci l’a porté jusqu’à l’ascenseur. Je n’ai eu plus qu’à le traîner jusque là.
— Tu te rends compte que tu aurais pu te casser le dos ?
— Il a fallu que je le porte un peu, mais tout va bien ! Ils ont tous été tellement gentils.
Le lendemain, on a ouvert le paquet, le vélo était en pièces détachées. Ce ne fut pas non plus une mince affaire. Gilles est du genre patient. Il tient ça de sa famille, son frère est pareil. La fiche de montage pesait un kilo, les dessins lilliputiens étaient difficiles à déchiffrer et la jonction entre le haut et le bas, acrobatique.
Il trône désormais dans notre salle à manger. On le mettra ailleurs quand nous recevrons, nous prenons d’habitude nos repas dans la cuisine.
Je l’utilise plusieurs fois par jour. Je me dérouille et fortifie des muscles que l’ordinateur a tendance à négliger. Gilles pour le moment continue d’utiliser le Vélib…
Quand je pédale, je pense.
Parmi mes innombrables réflexions, je me demande pourquoi les vendeurs n’ont pas tenu compte de notre âge…
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