Nous avons enfin un premier ministre. Il provient paradoxalement de l’ultra minorité LR, Les Républicains, parti de centre droit. La gauche, majoritaire aux dernières élections législatives, n’est pas parvenue à se mettre d’accord pour proposer une personnalité consensuelle. Michel Barnier, 73 ans, est un vieux routier de la politique européenne, négociateur du Brexit, pragmatique et tenace. Savoyard originaire d’Albertville, cette petite ville, dernière demeure de Jean-Claude, le frère de Gilles.
Dimanche, a eu lieu la fête du hameau. Depuis quelques années des habitants ont pris l’habitude de se réunir, début septembre, sous les arbres du square.
Les plus anciens, Denis, Marcel et les deux Jacqueline s’occupent de l’intendance : tréteaux, plateaux, nappes, chaises. Olivier et Sébastien sont très forts dans la communication. Le bouche-à-oreille décide des taboulés, quiches, viandes froides, fromages du Jura, gâteaux, vins et eau pétillante. Des rencontres qui démarrent à midi et qui peuvent se terminer vers minuit si la température est douce
Cependant, ce dimanche, après deux mois de soleil pratiquement ininterrompu, le temps est devenu incertain et la pluie s’est mise à tomber. Nous avons hésité à faire la quiche. Comme rien ne semblait perturber le village, après l’avoir confectionnée et enfournée nous nous sommes dirigés vers le square. Personne, naturellement ! Le bruit nous a guidés vers le jardin de Denis et Jacqueline. Les tables recouvertes de nappes bleues avaient été dressées sous la pergola. Nous nous sommes retrouvés une vingtaine, les bras chargés et décidés à passer une bonne après-midi en dépit du froid et de la pluie.
Je crois en avoir déjà parlé, il est rare de trouver compagnie plus variée, ce qui en fait la saveur. De tous les âges, depuis Denise, ancienne institutrice de 88 ans, jusqu’au petit Vincente deux ans, en passant par les jeunes retraités, nos hôtes, et Emmanuelle, la propriétaire du chien Sacha, jeune architecte travaillant en Suisse. Les deux époux, Sébastien et Olivier. Sébastien, manutentionnaire au supermarché bio voisin, se tortillait, visage serré, car il venait de se froisser un muscle au travail. Le jardin d’Olivier, paysagiste, est un éloge aux cinq sens, glouglous de fontaine et roucoulements de colombe. J’ai déjà évoqué leur passion pour les chats. Les Anglais : Laura avec son mari Nick qui parle cinq langues couramment, plus l’arabe, l’hébreu et même le sanscrit. Jacky Chausse, nommée ainsi en raison de son magasin de souliers confortables situé dans le petit centre commercial d’à côté et son mari. À la retraite, elle n’a pas trouvé de repreneurs. Antoine, ingénieur au CERN qui vole régulièrement au-dessus du village en ULM, Céline, son épouse, jeune institutrice dans le village voisin. Et Joëlle qui possède la belle maison du fond de la rue.
Ce fut une après-midi de conversations d’autant plus variées que nos hôtes revenaient de Saint-Malo et de Cancale où la fille de madame Péaquin a fini ses jours et ce fut l’occasion de parler de leur maison, juste en face de la nôtre, dont on nous dit depuis plusieurs mois qu’elle est vendue, puis que la promesse de vente est annulée.
Joëlle du bout de l’impasse a laissé son sapin grandir. Il mesure désormais vingt mètres. Il nous cache le Jura, et nous prive du soleil couchant. Sujet épineux, c’est le cas de le dire, qu’on évite en général d’aborder. Par quel miracle, dimanche, a-t-on pu l’évoquer en toute sérénité ? Il semble que le problème soit en passe d’être résolu. Rien ne vaut de se retrouver en aimable compagnie.
Les expériences sont variées, mais le village nous relie les uns aux autres avec ses joies et ses problèmes, au-delà des inévitables disputes qui surgissent régulièrement.
Au dessert, nous nous sommes trouvé quelques points communs avec le village d’Astérix.
Naturellement, nous avons évoqué les hérissons qui se promènent chaque nuit dans les jardins. Il paraît qu’ils se gobergent des croquettes d’Olivier et Sébastien.
Nous sommes rentrés nous reposer vers 5 heures. Vers 9 heures, nous avons encore entendu nos voisins discuter pendant une demi-heure sous l’auvent.
Il me faut absolument évoquer le jeune pêcheur à la mouche qui lançait sa ligne à la volée dans l’estuaire du ruisseau de Tannay. Une vingtaine d’années, perché sur un rocher, éclairé de soleil au milieu des roseaux. La grâce de ses gestes m’a émue. Je retrouvais mon enfance à Nernier, cette communion avec la nature, avec le lac, dont je suis encore imprégnée. Pêche au vif, ablettes pour de futurs brochets.
Fils de pêcheur professionnel, il m’a donné des nouvelles du lac. Non, les cormorans ne nuisent pas aux poissons. Les poissons, perches et brochets sont toujours aussi foisonnants. Je l’ai quittée toute regaillardie.
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