L’annonce de la mort de Robert Badinter à 95 ans n’a surpris personne, mais elle a fait resurgir un passé un peu oublié.
Pour ma part, je n’avais pas vraiment entendu parler de cet illustre avocat jusqu’à la fin des années 70, jusqu’à sa conférence à l’école polytechnique. Gilles y travaillait et nous habitions à deux pas. Une conférence contre la peine de mort.
Jeune avocat, mon père avait défendu aux assises un homme qui avait brûlé les pieds d’une vieille dame pour lui faire avouer où se trouvait son argent. Je ne me souviens plus s’il l’avait tuée. L’homme avait été condamné à mort et mon père avait dû assister à son exécution. Il en était resté traumatisé et n’avait plus jamais voulu plaider aux assises. Il disait :
— C’était surtout un abruti !
Quand on a commencé à remettre en question la peine de mort, mon père ne s’est pas beaucoup exprimé, mais il lui est arrivé de citer la célèbre phrase du journaliste Alphonse Karr : Que messieurs les assassins commencent ! Une phrase qui m’avait laissée perplexe. Commencer quoi ? Pourquoi ces « messieurs » emphatiques ? Une boutade qu’à la réflexion je trouvais bizarre au regard de l’horreur des crimes et de la guillotine. Pour l’adolescente que j’étais, une absurdité liée à celle de la peine de mort.
C’est donc avec un grand intérêt que, jeune femme, je me suis glissée dans l’amphithéâtre parmi les élèves de l’école polytechnique. J’ai le souvenir d’un homme brillant, convaincu et convaincant. J’en suis sortie avec l’évidence que l’horreur de la peine de mort (un homme coupé en deux, disait Badinter) perpétue la violence du crime.
À l’annonce de son décès, je continue à me poser cette question. La mort ne vaut-elle pas mieux qu’un enfermement à vie ? Il est vrai qu’aujourd’hui et grâce à Badinter en particulier, l’enfermement est rarement définitif.
Cette semaine, la télévision s’est étendue sur la vie de Robert Badinter. Son père était mort au camp de Sobidor. Lui-même, enfant juif emprisonné lors d’une rafle, s’étant débattu, avait échappé à ses geôliers. Sa mère avait trouvé refuge en Savoie sous un faux nom jusqu’à la fin de la guerre. Après des études brillantes, il fit une carrière d’avocat pénaliste à Paris. Nommé garde des Sceaux par François Mitterrand, dès 1981, il fit abolir la peine de mort. Ministre le plus impopulaire de la 5e république, « ministre des assassins », il fut maintes fois menacé de mort, lui et sa famille.
Par la suite, il n’eut de cesse d’humaniser la prison. Aujourd’hui, considéré comme un héros intègre et courageux, on envisage de transporter sa dépouille au Panthéon.
Il y aurait encore beaucoup à raconter à son sujet, tant il fut mêlé à la vie publique et privée de Mitterrand.
J’avais vu en 1981 au musée d’Orsay une exposition intitulée Crime et châtiment dont il était commissaire. Visite évoquée à l’époque dans une chronique avec force détails.
Sans transition, parler de l’émission The Voice est un peu acrobatique. Un télé-crochet banal, commun à de nombreux pays. Chaque juré est assis dans un grand fauteuil rouge, le dos tourné aux chanteurs. Il se retourne quand la prestation lui plaît. Si plusieurs fauteuils se sont retournés, c’est à l’élu de choisir son coach, celui qui le fera travailler pour la suite du concours. À la fin, le vainqueur fait gagner son coach, compétition à deux gagnants. Demi-finale, finale… avec des aventures à chaque étape. Sur 50 000 auditions dans toute la France, une centaine de chanteurs avaient été sélectionnés par la production. C’était la première émission de l’année.
Vianney, Zazie, deux rappeurs faisaient partie du jury de l’année précédente, mais Mika revenait après cinq ans d’absence. Ils l’ont asticoté avec gentillesse. De magnifiques et talentueux chanteurs. Rires, blagues, ils ont cassé les codes avec une vitalité qui m’a enchantée. La plupart des candidats étaient d’une telle qualité qu’on se demandait comment l’un pouvait être choisi plutôt qu’un autre. La production les avait soigneusement triés pour les besoins du déroulement de l’émission.
J’ai aimé la générosité, la spontanéité, les inventions verbales du jury. Un sacré travail de pro ! Comment peut-on conserver autant de liberté devant une salle comble et des millions de téléspectateurs ? Comment peut-on gigoter, rire, dire des subtilités ou des âneries sans craindre les réactions d’un public capable de tout avaler comme de tout rejeter. Il est évident qu’ils y prennent un plaisir qu’ils aiment partager, mais il y faut un sang-froid, une capacité de réaction, une empathie, une confiance qui me stupéfient !
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