Oui, mercredi dernier, nous avons filé à Tougin pour débroussailler le jardin. Il en avait bien besoin ! Nous avons eu de la chance, les quelques gouttes d’orages de fin de journée n’ont pas empêché Gilles de passer le fil. Il faut se rendre à l’évidence le jardin n’est pas en forme ! Le changement climatique ne lui vaut rien.
Le massif de pivoines est pratiquement mort. Il était là quand nous avons acheté la maison, il y a cinquante ans. Celui de nos voisins Marcel et Jacqueline résiste. J’aurai dû davantage l’arroser en août dernier. Je me le reproche, mais je crois qu’il est trop tard.
Le rosier grimpant de Monique est attaqué par l’oïdium, une patasse blanchâtre qui asphyxie les bouquets de boutons. Gilles a désherbé tout autour, il a pulvérisé ce qu’il fallait, mais je doute que nous retrouvions la merveille de grâce qui enveloppait la serre. La succession de sécheresse et de pluies orageuses risque d’avoir raison d’un rosier qui a vu le jour dans le Pas de Calais. Il ressemble à sa donatrice, Monique, notre belle-sœur, luxuriant et délicat à la fois, généreux et rieur, comme elle. Je crois vous en avoir déjà parlé.
Denis nous a donné des plans d’œillets d’Inde. Il en sème des graines d’année en année et nous les connaissons bien. Florifères et peu exigeants, ils repoussent les nuisibles, mais pourront-ils résister à notre absence ? On verra bien. C’est à chaque fois une surprise quand nous arrivons avec notre valise à roulettes d’observer le comportement d’un jardin planté de bric et de broc, et qui n’en fait qu’à sa tête. La plupart du temps, il s’en tire avec honneur et je dois même dire qu’il est charmant. Une année, venus d’on ne sait où, de magnifiques pavots avaient orné le pourtour de la serre, une autre année une incroyable floraison de cosmos, légères corolles aux tons pastels avait bordé la haie côté impasse.
Cette année, des campanules bleues ont animé le parking avec une certaine élégance.
Les corbeilles d’argent et les iris avaient fini de fleurir. Tout était beaucoup trop en avance. Les holtas auront du mal à résister au soleil de juillet. Il va falloir trouver des espèces plus adaptées au nouveau climat.
Mais le clou de ces quatre jours fut notre cohabitation avec un couple de mésanges installé dans le nichoir qu’Ève nous a offert il y a deux ans. Nous n’avons tout d’abord pas su s’il était occupé. Les oiseaux dérangés par notre arrivée se méfiaient. Ce fut un soulagement d’en voir un se glisser subrepticement dans la petite ouverture ronde, un petit ver dans le bec. Proches de la table où nous prenons nos repas lorsqu’il fait beau, le risque était grand de les voir abandonner leur couvée.
Nous avons veillé à ne pas faire de gestes brutaux ni de bruits intempestifs et ils se sont habitués à nous. Quel plaisir ce fut de les voir vivre leur vie à quelques mètres sans faire d’histoire ! Gilles s’est pris de passion pour eux, méditant sur leurs allées et venues. Il est vrai que l’intense travail qui consiste à nourrir des petits affamés laisse perplexe ! Ils ne bénéficient pas de congés, ni d’assistance maternelle, ni de sécurité sociale. À eux de se débrouiller contre les chats !
Quelques points communs avec le film que nous avons vu dans le petit cinéma de Gex, une sorte de fable sur la survie dans la campagne en Iran, près de Chiraz. L’Odeur du vent. Images magnifiques de montagnes, de torrents sur fond de fatalité et de solidarité.
À propos de cette rage de vivre, le monde occidental a été stupéfait d’apprendre qu’on avait fini par retrouver les quatre enfants, âgés de 13, 9, 4 et un an, perdus dans la forêt amazonienne depuis quarante jours. Ils avaient survécu aux bêtes sauvages, aux serpents, aux moustiques, aux pluies diluviennes, à la faim.
À l’origine, j’avais cru à une blague. Un petit avion s’était écrasé dans la forêt tuant le pilote et deux adultes, dont la mère des enfants. Ils avaient disparu du lieu du crash, mais les secours prétendaient qu’il restait encore un espoir de les retrouver. Élevés dans une tribu autochtone, ils connaissaient la forêt et la fille de 13 ans avait l’habitude de s’occuper de ses frères et sœurs.
Très amaigris, pris en charge par les secours, ils ont révélé que leur mère avait survécu au crash pendant quatre jours. Ils s’étaient ensuite éloignés avec de la farine de manioc, une moustiquaire, une lampe de poche et des couches. Ils avaient mangé des fruits de la forêt, des racines. Ils avaient entendu les appels et ne s’étaient pas découragés. Un bel hommage à rendre aux peuples autochtones et à leur mode de vie.
Ces petits oiseaux-là garderont tout de même des séquelles de leur aventure. Espérons qu’ils préserveront leur liberté et ne se laisseront pas piéger par la vampirisation des médias occidentaux.
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