Début janvier, un discours du président de la République nous a annoncé le début des vaccinations. Plusieurs centaines de milliers de doses allaient être disponibles dès le lundi suivant. Il a donné adresses web et numéro de téléphone. Dès l’heure d’ouverture, Gilles a constaté que le système ne fonctionnait pas, ce qui fut confirmé par les actualités de la mi-journée. Le lendemain, Julien très soucieux de notre santé nous appela pour nous dire qu’il avait trouvé des créneaux à la mairie du 8e et qu’il ne fallait pas traîner. Nous avions été vaccinés de la grippe saisonnière dès les premières heures et en quelques jours le stock avait été épuisé, Gilles retourna derechef à son ordinateur. Il nous inscrivit pour le début février et annula même mon inscription pour la déplacer vers la mairie du 3e, plus près de chez nous, sans plus se poser de question.
Bien lui en a pris ! Aujourd’hui, la plupart de nos amis, certains en très mauvais état, ne trouvent pas à se faire vacciner. Nicolle s’est vue repoussée de l’Hôtel-Dieu à deux pas de chez elle, puis de la mairie de son arrondissement, Philippe et Catherine espèrent trouver une solution à Boulogne sur mer. Nicole et Serge, 90 et 99 ans, se calfeutrent chez eux sans aide ménagère…
Nous avons craint un instant les annulations qui se sont multipliées. Mais nous avons reçu régulièrement des rappels de nos rendez-vous, la gestion de stocks conservés à moins 70 degrés, par lots de 5 ou 6 n’ayant probablement rien de simple. À l’atelier de céramique, comme Séverine s’en inquiétait, je lui ai dit en blaguant : « La politique est plus sûre que les hôpitaux. Hidalgo a besoin de mon vote ! », suscitant une vague de protestations : « On peut crever, ce qui compte c’est leur réélection ! » Depuis les gilets jaunes, la mode est à la contestation de nos élus !
C’est ainsi que mercredi, encore appelée le matin pour confirmation, je me suis dirigée en sortant de l’atelier vers la mairie du 3e arrondissement, attestation dans mon sac. Passé le couvre-feu de 18 heures, le métro était encore bien rempli. À la sortie, place de la République, des jeunes courraient s’y engouffrer. Puis trottoirs vides, voitures rares, je suis arrivée devant la mairie dans la pénombre des lampadaires. La cour était déserte, j’ai gravi le solennel perron. Après un sas vitré, je me suis retrouvée dans un immense vestibule à marbres, fresques et colonnades, un hymne à la République assez peu conforme à l’image d’un centre de vaccination. L’huissier devant son petit bureau m’a indiqué un espace en plexiglas devant lequel s’inscrivait un couple de mon âge. Nous avons été orientés vers le deuxième étage.
Et c’est dans la prestigieuse salle de mariage que nous avons été vaccinés.
Elle avait été cloisonnée en boxes grâce aux panneaux amovibles destinés d’ordinaire aux expositions. Après un peu d’attente, j’ai été reçue par une doctoresse qui m’a interrogée sur d’éventuelles allergies, elle a rempli la feuille de santé manifestement ravie de participer à cette aventure. Quatre à cinq personnes nous tournaient autour avec des gestes aussi prévenants que rassurants.
J’étais la dernière. On s’est salué avec aménité, souhaité un bon retour à la maison et j’ai même senti, à plusieurs réflexions qu’elle me lança alors qu’elle passait devant ma chaise durant l’attente de quart d’heure prescrite après l’injection, que la doctoresse n’aurait pas demandé mieux de me revoir. Ses yeux brillaient et ses cheveux frisés frétillaient. Pourquoi pas ? Je dois revenir dans un mois pour la seconde injection.
Deux jours plus tard, Gilles s’est fait vacciner à la mairie du 8e sans plus d’effet secondaire. Dans trois semaines, nous serons en partie immunisés. Il reste la question de la réponse de ce vaccin aux différents variants qui surgissent dans le monde, ainsi que le temps de son efficacité dont on ignore tout. Mais c’est déjà bien !
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