<?php echo ;?>

La première à Mâcon : Femmes au travail dans un hôtel particulier de province au XIXe siècle

Passionnant ! On se promène dans les couloirs dérobés de l’hôtel Sénecé construit au XVIIIe siècle, un des rares encore intact dans sa conception intérieure. On monte le petit escalier des domestiques qui dessert chaque étage. On les imagine habitués à se rendre invisibles : la bonne qui surveille de sa mansarde grâce à une petite lucarne située à côté de son lit la chambrette des enfants, la cuisinière au sous sol, la lingère repassant les dentelles au petit fer, la servante apportant sans bruit le thé ou le chocolat dans les salons, la jeune institutrice, un danger pour la paix du couple, chignon serré et lunettes sur le nez. On imagine la maîtresse de maison qui veille sur la bonne marche de la maison. Marie-Noëlle Guillemin, une des conceptrices de l’exposition, nous fit un récit détaillé de l’évolution tout au long du XIXe siècle de la condition de ces travailleurs, souvent exploités et mal considérés, mais protégés de la misère qui sévissait alors dans les campagnes. Elle évoqua leur disparition progressive, à commencer par les hommes partis en usine, au profit dès le début du XXe siècle d’un personnel venu de l’extérieur. Visite illustrée par des objets et livres d’époque, commentée par de nombreux panneaux et se terminant par une vidéo mettant en scène les propriétaires. Le genre de visite qui vous trotte dans la tête et vous donne envie de relire Balzac et Zola.

La deuxième exposition : Indiennes, un tissu qui révolutionne le monde, au château de Prangins sur la rive suisse du Léman, à côté de Nyon,

Musée national suisse, le château de Prangins, lui aussi construit au XVIIIe siècle, a pour vocation d’évoquer la vie de la noblesse comme celle des paysans de cette époque. L’exposition avec des moyens sans commune mesure avec celle de Mâcon nous présente les indiennes, tissus imprimés provenant à l’origine des Indes, puis imitées en France et en Suisse avec un savoir faire époustouflant de précision et de beauté au XVIIe et du XVIIIe siècle. On nous montre leur usage pour les robes et les gilets, pour l’ameublement.On détaille leur fabrication. On s’attarde sur l’importance de leur iconographie qui propage les idées du siècle des lumières et son goût de l’exotisme à travers les images fantasmée de la Chine, de l’Afrique, de l’Amérique, sur leur place dans la montée révolutionnaire.

Au temps des indiennes venues des Indes, afin de protéger la production traditionnelle française, Louis XIV les avait interdites dans tout le royaume sous peine de galère. Cette prohibition ayant coïncidé avec la révocation de L’Édit de Nantes, les chimistes et fabricants protestants qui s’essayaient à leur imitation se sont installés en Suisse et y montèrent un commerce florissant. Ils écoulaient leur production vers la Hollande qui se chargeait de la faire passer en contrebande vers la France où la mode s’en était entichée, malgré ou à cause de son interdiction. Cette mode quasi hystérique fit hurler Jean-Jacques Rousseau, car elle nuisait selon lui à l’agriculture de moindre rendement financier.

Mais ce que j’ignorais, c’est que des décennies plus tard, lorsque cette prohibition fut abolie, les fabricants, le plus souvent des Suisses, s’installèrent dans les ports de l’Atlantique pour se livrer au commerce négrier, échangeant en Afrique les indiennes contre des esclaves, troqués ensuite au Brésil et en Amérique contre du café ou du coton comme cargaison de retour. Les indiennes représentaient 75% de ce commerce triangulaire qui se poursuivit jusqu’à l’abolition de l’esclavage.