La municipalité de Grenoble s’est lancée dans l’art de rue à grande échelle. Elle a été à l’initiative d’une centaine de tags dispersés pour la plupart dans un même quartier de la ville.

Un plan numéroté à la main, nous avons déambulé dans ses rues. Pour ma part, j’étais séduite par la vitalité de leurs auteurs, mais aussi rebutée par la pauvreté d’imagination et par le conformisme de beaucoup d’entre eux. Ils recouvraient des murs décrépis, des rideaux roulants de magasins en mauvais état, des passages sombres délabrés. On avait peut-être choisi un quartier tagué de longue date, certains semblaient  un peu effacés. D’autres éclataient de couleurs vives. Le soleil et l’ombre imprimaient sur les murs une histoire qui s’ajoutait et souvent se superposait au propos du tagueur, signant par la volonté municipale sans que ce soit vraiment désobligeant un art de pauvres pour pauvres.

On y découvrait parfois au coin d’une petite rue une idée saugrenue et poétique, mais je ne suis pas très sûre que j’aurai aimé habiter un quartier à ce point chamarré, trop habituée aux subtilités des maisons paysannes de Tougin, comme au raffinement de l’architecture XVIIIIème du centre de Paris. Bien que toute violence en ait été manifestement bannie, je me suis demandé si ce n’était pas un peu jouer avec le feu. La ville de Grenoble est connue pour sa violence et ses réseaux criminels. Je me demande s’il n’aurait pas mieux valu un peu plus de nuances. Mais bien obligée d’y reconnaître une possibilité d’expression non négligeable.

La municipalité s’est probablement posé la même question, car elle a fait appel à des célébrités mondiales du street art pour proposer leurs books à des copropriétés. De grands pans d’immeubles plus récents ont ainsi été recouverts de fresques monumentales aux frais conjoints de leurs copropriétaires et de la ville, fresques qu’on découvre également sur le trajet du tramway. Les artiste à peu près libres de faire ce qu’ils voulaient ont été très correctement payés.

C’est ainsi qu’on peut voir au coin d’une rue de gigantesques oiseaux, des baleines grandeur nature dans les plis du drapeau américain. Trois grandes mains au coin d’une école forment dans la langue des signes les mots : ensemble, liberté et paix,  .

Mon impression demeure partagée entre de l’admiration pour cette initiative, une réticence peut-être due à mon âge et la crainte de voir récupérée et affadie une expression populaire par nature étrangère aux institutions.