À Versoix.

Torticolis persistant, très douloureux. Presque une semaine au lit. Dans ces cas-là, je songe avec admiration à ces hommes que la souffrance n’a pas vaincus : Montaigne et sa gravelle, Roosevelt, Pompidou, Mitterrand. Comment ont-ils pu ? La douleur m’ôte toute pensée cohérente. Vie suspendue, les heures passent indistinctes dans l’attente d’un mieux difficile à imaginer. Chaque seconde se dilate et fuit aussitôt, intensément vécue, mais inutile.

Cependant hier, ça allait mieux, le soleil brillait et nous sommes allés nager à Versoix. Le mois de septembre est souvent délicieux dans nos régions.

Hélas, à peine arrivés, un tamtam nous a cassé les oreilles. Il provenait du parc au-dessus de la plage. Je déteste tous les bruits répétitifs. Je me souviens de mon désespoir lorsque les tambours ont envahi le Pont des Arts, effaçant la beauté et le mystère des crépuscules sur Paris, blessant de leur brutale sottise la souplesse du fleuve.

Voilà qu’ils s’installaient ce matin-là dans l’univers préservé du lac, couvrant la chanson des vagues. Ma tête n’avait pas besoin de cela ! Nous avions vu sur le parking des groupes en costumes et robes voyantes, embijoutés. Difficile de déterminer leur origine. Europe, Philippines, Afrique, Amérique du Nord, Madagascar ? Notre région est une tour de Babel et nous avons l’habitude d’éviter ces questions.

Très vite, l’assemblée descendit la pelouse et à grand renfort de chants et de tambour atteignit la plage. Les femmes étaient couvertes d’une longue tunique blanche , les hommes d’une large chemise également blanche. Un grand et volumineux personnage entièrement revêtu du même blanc vociférait en moulinant des bras. Ses propos étaient ponctués par des applaudissements et de bruyantes approbations. Les femmes chantaient en se balançant. Lorsque plusieurs hommes entrèrent dans l’eau, je compris qu’il s‘agissait d’un baptême évangélique. Les bruits s’amplifiaient au grand dam des usagers de la plage qui observaient la scène avec un mélange de curiosité et d’agacement. L’un d’eux traversa la cérémonie son paddle sous le bras, sans plus de façons.

Pour ma part, je rouspétais intérieurement. Déjà que je n’aime pas ce genre d’embrigadement, mais je ne pouvais pas oublier que cette secte avait contribué à faire élire Trump et qu’elle avait été responsable de la pandémie à Mulhouse. Sur la plage, épaule contre épaule, on ne pouvait pas dire qu’ils respectaient les distances de sécurité !

Nous sommes allés vers l’autre jetée pour nous en écarter. À notre retour, les derniers participants, le pasteur et sa famille, s’engouffraient dans un gros fourgon de luxe. Sous l’effet de mon agacement, j’ai craint une reprise de mon torticolis. Heureusement, il n’en a rien été!…