Nous nous étions retrouvés chez Claudine à déguster de délicieuses endives au gratin, entourés des  innombrables trésors de sa vie avec Olivier, une vie plus que remplie.

Puis nous nous sommes rendus au Théâtre de Poche. Dans le petit vestibule bondé, nous avons attendu que les portes s’ouvrent. Un avocat nous raconta qu’il n’avait plus accès à son cabinet, son immeuble ayant été ébranlé par l’explosion de gaz de la rue de Trévise. « Et vos dossiers ? » Il a esquissé un geste fataliste. J’imaginai sa clientèle, déjà excédée par la lenteur de la justice, atterrée à l’idée des futures années d’attente et de procédures, d’expertises diverses.

Placés au fond de la petite salle, la scène était en partie cachée par plusieurs malabars assis devant nous. Huis clos d’une mère, de son fils de trente ans et de sa fille infirme montée en graine. Décadence, espoirs, on s’est préparé à presque deux heures de disputes violentes, mâtinées de tendresse à la Tennessee Williams.

Au bout d’une demi-heure un peu plate, l’acteur principal s’est éclipsé derrière un canapé. On a entendu des bruits feutrés. Après quelques minutes de flottement qui nous parurent une éternité, un homme en jeans est monté sur la scène. Une péripétie du spectacle ? Il fallut se rendre à l’évidence : «  Nous vous prions de nous excuser, l’acteur a été pris d’un malaise. Vous pourrez revenir un autre jour ou être remboursés ».

In petto, je pensai à la gastro-entérite qui commençait à sévir à Paris et à la situation inconfortable qu’elle pouvait occasionner. Gilles fit pointer nos tickets et nous nous sommes quittés sur le trottoir en nous donnant rendez-vous pour  la semaine suivante. Décidément, Papageno à Vienne, et puis cette avanie… Les temps sont durs pour les acteurs !

Depuis, un air me trotte dans la tête :

On a tous quelque chose en nous de Tennessee 
Cette volonté de prolonger la nuit
Ce désir fou de vivre une autre vie… 

Il n’y a pas bien longtemps, j’ai appris que le Tennessee de Johnny Hallyday est le Tennessee Williams d’Un tramway nommé désir. J’entendais jusque là l’état du Tennessee… Je n’avais pas fait le lien entre les fans-motards de l’un et le public intellectuel de l’autre. A tort !