La rue du Louvre était bouchée par une armada de cars de CRS protégée par des policiers qui dirigeaient les voitures à coups de sifflets vers la place des Victoires. On en a pris l’habitude ! Et c’est vers 14 h 30 que je me suis engouffrée dans le métro.

À la station Opéra, un groupe de jeunes filles est monté dans le wagon. Je n’y ai guère prêté attention. Maquillage prononcé, cheveux sur les épaules, vêtues de sombre. Somme toute banales. Elles parlaient fort, comme souvent les filles en groupe. La station Madeleine dépassée, elles sont sorties à Concorde en bousculant tout le monde. La sonnerie de fermeture ayant retenti, plusieurs d’entre elles ont dû écarter les portes. C’est alors que la dernière s’est retournée et a craché en direction de deux autres jeunes filles restées dans le métro.

Stupéfaction des passagers ! Le métro a redémarré. L’une des deux jeunes filles s’est vivement reculée, mais l’autre avançant au centre de la plate forme s’est essuyé  la figure, les vêtements avec une ostentation un peu exagérée. Elles m’avaient semblé hors d’atteinte.

Difficile de ne pas remarquer le luxe de son sac à main, de son manteau haute couture de ses chaussures à talon, les cinq centimètres de ses ongles vernis de noirs, incompatibles avec tout travail manuel, y compris la pratique du clavier ! Visage de magazine, sourcils, yeux, bouche dessinés, cheveux souples et abondants. Je me disais que les autres filles avaient agi par jalousie, lorsque j’entendis derrière moi, une dame s’exclamer :

— Des pickpockets ! Je les avais repérées.

Depuis quelque temps, les jeunes mineures employées par la mafia roumaine pour dépouiller les touristes s’habillent bon chic bon genre afin de mieux passer inaperçues.

Mais elle ajouta :

— Elles ont vu que c’était des Allemandes. Avant de cracher, elle a crié : Hitler !

Une résurgence de l’extermination oubliée des gitans ! Ces jeunes Roumaines auraient pu être les arrière-petites-filles des victimes des nazis… Assise sur mon siège, je suis restée songeuse. Quelles pensées avaient bien pu traverser le crâne des unes comme des autres ? Quelles traces y avaient laissé la guerre et ses horreurs génocidaires ?…